du 17 au 19 septembre, défendre Berry-au-Bac, les ponts sautent
Le 17
La nuit, les hommes, aidés par des unités 3/3ème régiment du génie, ont creusé des tranchées et dressé des barricades aux écluses et autres passages vulnérables. Dès le matin, le bombardement recommence, blessant de nombreux défenseurs. Des incendies se déclarent un peu partout dans le village. Le capitaine Massenet, l’adjoint du colonel, est blessé à l’omoplate d’un éclat d’obus, tout comme le capitaine Villard. Néanmoins, tous les deux restent à leur poste. Pour J.D. le cauchemar continue : « au matin, quelle triste besogne que d’enterrer nos morts, Gobert a été enterré près d’un ruisseau avec les caporaux Servais et Ducoffe et les soldats Masson et Stoclet, cinq hommes dans une fosse commune » hâtivement creusée. « Les obus pleuvent, une marmite tombe à 2 mètres de ma tranchée, m’asphyxiant à moitié » note-t-il encore dans son carnet. De nouveau, les brancardiers interviennent pour dégager et évacuer les victimes.
Plan d'attaque sur Choléra, les 4ème, 2ème et 1ère compagnies du 148è en soutien, la 3ème interdit l'accès au village. En bleu, l'attaque du 43ème ri.
Malgré la situation, le commandant du secteur, voulant profiter de l’avantage acquis la veille, décide de lancer une attaque sur la ferme de Choléra. Une attaque de nuit. L’assaut principal sera donné depuis Pontavert mais un second front, ouvert depuis Berry-au-Bac, doit prendre l’ennemi sur son flanc. Le 1er bataillon du 148è participera à l’attaque. A 19 heures, deux bataillons du 43ème ri, partis du pont du canal et soutenu par le 1er bataillon du 148ème , qui suivront à 10 minutes d'intervalle, se mettent en marche.
La progression, rendue difficile en l’absence de préparation d’artillerie, est éventée. Les premières lignes du 43ème s’écrasent sur de solides lignes défensives allemandes. Elles refluent en désordre vers Berry-au-Bac sous la protection des fantassins des 2ème et 4ème compagnies du 148è. qui arrêtent les avant-gardes allemandes lancées à la poursuite des fuyards. Les pertes sont sévères.
1) le capitaine Arnaud et 2) le capitaine Massenet blessés lors du bombardement
Le capitaine Arnaud, grièvement blessé, refuse d’être ramené dans les lignes par ses hommes. Il mourra sur le champ de bataille. Le lieutenant Forestier a disparu. Parmi la troupe, 11 hommes sont restés sur le terrain. Le lieutenant Lucas prend en charge la 4ème compagnie et « se retire en échelon et en ordre vers les lisières du village ». L’attaque est un échec! Le manque de préparation d’artillerie, l’emploi de fusées éclairantes par les Allemands et la puissance défensive que l’on ne soupçonnait pas – des secteurs de fils barbelés flanqués de mitrailleuses - ont mis à mal les lignes d’assaut du 43ème ri.
Le 18
Les troupes du génie partagent les abris avec les défenseurs
Rentrés de nuit, les fantassins n’ont d’autre choix que de se terrer dans les caves ou les tranchées car, dès le matin, le bombardement reprend de plus bel. L’infanterie allemande s’approche, ouvrant des feux d’infanterie sur les premières lignes en lisière du bourg. Le 148ème se repositionne plus défensivement.
Les défenseurs occupent le moindre espace pour se protéger
Vers 19 h. une violente canonnade ennemie qui détruit les barricades fait supposer qu’une attaque de nuit se prépare. Les incendies se propagent dans le village. Malgré la menace, les hommes passent la nuit sur leurs positions.
Un événement vient perturber le cadre du régiment. Le commandant Vannière mute vers le 329ème ri dont il prend le commandement avec le grade de lieutenant-colonel. Il est remplacé par J. Voirin, un capitaine venu de ce même régiment et promu chef de bataillon.
Le commandant Vannière arrive au 329è ri, le capitaine Voirin vient du 329ème ri.
Le régiment sous les ordres du lieutenant colonel Vigier dispose de nouveau de trois bataillons aux ordres des commandants Voirin (1er bataillon avec les 1,2,3 et 4èmes compagnies), Massenet (2ème bataillon avec les 6,7 et 8èmes compagnies) et Roques (3ème bataillon avec les 9, 10 et 12èmes compagnies).
le 19
Malgré la pression ennemie, les hommes s’accrochent au terrain mais le village devient de plus en plus intenable. Vers 16 h., le 148ème abandonne progressivement le secteur Nord du bourg et, sur un ordre du 4GDR, évacue définitivement Berry-au-Bac, il repasse les ponts.
« Afin d’assurer l’intégrité du front qu’elles occupent les divisions de réserve feront préparer dès le point du jour
la destruction des ponts du canal ».
Miner des ponts aux structures différentes.
Cette piste m'a été signalée par M. Fr. Belleil. Merci
La 3/13 (divisionnaire) du 3ème régiment du génie se charge de l’anéantissement des ouvrages.
Le capitaine Rousseau, aidé du sergent Hanelle, dirige le minage du pont de la route nationale à Berry-au-Bac, un ouvrage constitué de « longerons métalliques avec voutains en briques à arêtes parallèles à la route ».
L’adjudant Tiffenne place, quant à lui, les charges au pont en béton armé sur le canal entre Berry-au-Bac et la cote 108,
Le pont de Sapigneul, constitué de « deux poutres métalliques en treillis » est préparé par le sous-lieutenant Lenson.
A 15h 45, première explosion. Le pont donnant accès à la cote 108 est détruit mais « l’explosion provoque l’arrivée sur les abords immédiats du pont de plusieurs rafales de shrapnells. L’ennemi exécute un tir d’artillerie lourde sur les abords du pont de la route nationale pour empêcher l’achèvement des travaux de destruction ».
17 h., malgré le pilonnage, le pont principal saute entraînant « la chute de la majeure partie du tablier ».
A la même heure, le feu est bouté aux charges du pont de Sapigneul mais le pont sera incomplètement détruit,
Des destructions complémentaires seront nécessaires sur Berry-au-Bac et Sapigneul. Si le travail sur Berry-au-Bac est achevé, celui sur Sapigneul, suite à un contrordre, sera laissé en l'état.
Son travail terminé, la compagnie du génie se retire vers Bouffignereux.
Le 148è prend position sur la rive Sud du canal. Il est seul pour défendre les différentes sorties sur l’Aisne et le canal.
Le pont de Sapigneul, Source gallica.bnf.fr / BnF, album Mangin
Les pertes sur ces trois jours
Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats confondus, on dénombre 14 tués, 70 blessés dont certains décèderont des suites de leurs blessures et 34 disparus. De ces disparus, plusieurs rentreront au corps, quelques-uns furent capturés lors du combat de la ferme Choléra, les autres seront déclarés morts par jugement déclaratif après la guerre.
Quelques exemples
Une vue du terrain entre Choléra (d'où est prise la photo) et Berry-au-Bac. Profitant de la nuit tombante, les assaillants ont avancé à découvert, les fusées éclairantes allemandes les ont "mis en lumière".
Nonnon Marcel au nom de tous ceux qui ont perdu la vie à Berry-au-Bac
"Notre sort nous attend au bout de la plaine, juste devant les tranchées où nous allons courir, la poitrine et le ventre offerts, abandonnés de Dieu et abandonnés par les hommes"
Giono.
Capitaine Arthaud, mort des suites de ses blessures sur le champ de bataille, « un coup de baïonnette en pleine poitrine » et lieutenant Forestier, disparu, déclaré mort par jugement déclaratif d'un tribunal.
Meuter Omer, renseigné comme blessé dans le jmo, serait donc mort de ses blessures sur le terrain le 17 lors de l’assaut de Cholera, « inhumé provisoirement à l’Est de la ferme puis identifié et transféré au cimetière de Berry- au-Bac. Certainement rapatrié par sa famille après la guerre.
Cacheux Gaston et Cartierre René morts des suites de leurs blessures
Marfoing Camille blessé d’une « plaie en séton au mollet »
Bocquet Jules, blessé le 18 septembre d’une plaie à l’omoplate, plaie perforante du poumon gauche par éclat d’obus. « Portant une claie, a été blessé grièvement alors que pour rejoindre le régiment il traversait une passerelle vivement battue par l’artillerie ».
Commun Julien caporal décédé le 23 des suites de ses blessures à l’hôpital de Tours tout comme Baret Lucien décédé le 24 sept à l’infirmerie de la gare de Moulin
Disparus en premier lieu mais déclarés morts: Bouden Armand et Bosseaux Adonis. Comme pour tous les disparus, il faudra un jugement d'un tribunal pour fixer la date de leur décès.
Disparu mais en fait prisonnier: Degourt Lucien (à revoir car il y a des informations contradictoires dans les documents).
Une partie de la nécropole de Berry-au-Bac, la première tombe, celle du lieutenant Courty, même dans la mort, il marche à la tête de sa troupe.
Jean Le Coz, médecin auxiliaire. C'est un étudiant en médecine (premières années) et qui ne peut pas encore soigner mais dont les compétences lui permettent d'aider des médecins du régiment. Il sera de nouveau blessé dans un prochain combat.
Sources
Mémoire des Hommes,
les JMO des 148ème, 329è et 3è régiment du génie
Fiches des "Morts pour la France"
Journal officiel, lois et décrets, citation
Photos du 148ème en 1912.
Carte postale ancienne et photos personnelles.