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Pour le 148ème régiment d'infanterie
22 avril 2021

L'adjudant Louis Manesse et ses pairs au Bois du Luxembourg

Les circonstances

« Le lieutenant-colonel voudrait citer à l’ordre tous les soldats du IIIème bataillon du commandant Roques. Dans l’impossibilité de le faire, il n’en citera que quelques-uns qui se sont particulièrement distingués au cours de l’engagement. Il est heureux d’apporter à la connaissance du régiment les félicitations que leur adresse le général commandant la Vème armée au sujet du combat du Bois du Luxembourg du 16 février ».

Le IIIème bataillon a subi de plein fouet la réaction ennemie

«  La 11 cie débouche dans le passage déjà suivi par la 10ème et se porte le long du ruisseau. Le débouché se fait sous un feu extrêmement violent d’artillerie de 105 tirant à obus explosifs fusants. Une partie de la dernière section tombe dans le boyau avant d’avoir pu déboucher. Les 9ème et 12ème cies, à gauche,  débouchent des tranchées 3, 4 et 5 et peuvent avancer d’environ 400 m jusqu’à 250 m environ de la lisière du bois où elles restent  (bloquées) jusqu’à 20h 30 »….

Louis Degaugue témoigne

il faisait partie de la 1ère compagnie venue en soirée afin d'aider la compagnie Boitel à se dégager

« On passe à droite du ruisseau du Luxembourg, on traverse la ferme, on enjambe plusieurs arbres abattus par les obus. Maintenant c’est une véritable marche funèbre dans le calme de la nuit. De nombreux blessés râlent, hurlent, geignent, se lamentent, pleurent, implorent du secours. Le spectacle me fend le cœur et m’impressionne. Il faut bien faire attention pour ne pas marcher sur les morts. Il y a plus de deux milles hommes étendus dans la plaine. Beaucoup se débattent dans les affres de la mort. A quoi servent toutes ces tueries pour n’avancer que de 400 mètres ».

Corrmicy, les ossuaires

   Au nom de tous les autres

  

La nécropole de Maison bleue à Cormicy, là où reposent des soldats du 148ème ri tués lors du combat du Bois du Luxembourg,

certains dans des tombes individuelles, d'autres dans les ossuaires

 

L'adjudant Louis  Manesse

Né le 30 juin 1891 à Fourmies, Manesse Louis Eugène, fils de feu Charles et de Dupont Berthes, employé de banque est incorporé au 148ème ri le 10 octobre 1912. Nommé caporal le 17 février 1913, il passe sergent le 7 novembre 1913. Il fait partie de la 12ème compagnie du IIIème bataillon.

En août 1914, il entre en Belgique et reçoit son baptême du feu, le 15 août, au combat pour la défense du pont de Dinant. Mis au repos à Bioul, le IIIème bataillon, très éprouvé par son premier combat, remonte au feu dans la position fortifiée de Namur pour la reprise de la ferme-château de Beauloye, un temps tombée aux mains de l’ennemi. Une charge à la baïonnette aux côtés des troupes belges pour réoccuper les tranchées de la position. Une position intenable, c’est le repli. Sorti de la zone de combat, c’est le début de la retraite vers la Marne qui commence. Sa compagnie, sous les ordres du capitaine Boitel, rejoint une partie du régiment à Agimont (Belgique). Rentrée en France et bref repos à Rocroi afin de reconstituer tout le régiment. La marche rétrograde reprend. Un nouveau combat, le 1er septembre à Coucy-le-Château , pour forcer le passage vers Soissons. Un revers pour le régiment. Plus de la moitié des effectifs ne peuvent rejoindre le point de ralliement, il est parmi les unités dispersées. Ce sera une dure épreuve pour tous ces égarés.

manesse 2Un extrait du JMO du régiment. Vu de nouveaux documents reçus,  nous reparlerons de cette épisode dans une page (en préparation)

 Sans gradé pour diriger le groupe, il assume avec d’autres le commandement d’un groupe d’hommes, groupe qui rejoindra le régiment à Berry-au-Bac après bien des péripéties. Les Anglais, qui les ont recueillis, les prennent pour des Allemands déguisés en soldats français !

Une page sera consacrée à cet épisode qui ne fut pas loin de tourner au tragique.

manesse citCitation dans le Journal officiel

 Comme la plupart de ces égarés qui ont rejoint, il est cité « après avoir été coupé pendant quinze jours de suite du régiment et avoir séjourné dans les lignes ennemies, a repris immédiatement sa place dans son unité ».  A peine a-t-il rejoint que le régiment est engagé à Berry-au-Bac : des bombardements et des engagements à Choléra, à la cote 108 et ceux, non mois violents, de Sapigneul qui laisseront des traces dans les rangs du régiment.

hiverExtrait du JMO du régiment

  Puis, ce sera le premier hiver passé dans les tranchées, le froid, les inondations, les nombreux bombardements dans le secteur de la ferme de la Pêcherie.

Le 11 janvier 1915, il est nommé adjudant et prend donc le commandement d’une section. Le 13 février, le régiment quitte le secteur et est envoyé à Cauroy-Hermonville pour prendre part à l’attaque dite « du Bois du Luxembourg ». Ce sera son dernier combat. La 12ème compagnie du capitaine Boitel s’enfonce dans les lignes ennemies mais  reste bloquée sous le feu conjoint des mitrailleuses et de l’artillerie ennemies. L’adjudant Manesse sera tué en:

0 manesseExtrait du JMO de la 8ème brigade

 

 « Ayant porté brillamment sa section en avant, celle-ci étant obligée de stationner sous le feu de l’artillerie, a cherché à abriter ses blessés et a été blessé grièvement en en mettant un à l’abri ». Considéré comme disparu, son corps sera retrouvé par les brancardiers.

Il sera rendu à la famille et enterré le 22 février 1922 dans le cimetière communal de Fourmies.

26fevrier 22 journal fourmiesJournal de Fourmies du 26 février 1922, Eugèene, son frère cadet, soldat au 147ème ri est tué aux Eparges. Gallica  voir sources

0 son frère aux éparges

 

 

 

 

 

 

 

manesse 3Mort pour la France et le monument aux morts dans le cimetière communal

mam cimetière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques noms de soldats dont  le comportement a été remarqué et comme le souligne le commandant du régiment: « Le lieutenant-colonel voudrait citer à l’ordre tous les soldats du IIIème bataillon du commandant Roques. Dans l’impossibilité de le faire, il n’en citera que quelques-uns qui se sont particulièrement distingués au cours de l’engagement".

 

12ème compagnie

Capitaine Boitel a brillamment enlevé compagnie et l’a maintenue pendant 7 heures sous un feu violent de mitrailleuses a conservé jusqu’au moment où il a été relevé, le terrain qu’elle avait conquis.

Le sergent Biziaux et les soldats Halluise, Leclercq, Yvart et Anorey sont tous allés chercher des blessés en plein jour sous le feu

 

11ème compagnie

Le lieutenant Parent a entraîné sa section avec le brillant dont il est coutumier sous un feu violent. A déjà été signalé le 13 novembre à la prise d’une tranchée à la côte 108.

Le sous-lieutenant Lemoine s’est fait glorieusement tuer en entraînant sa section au travers d’un barrage établi par l’artillerie ennemie

Adjudant Claudon a brillamment conduit sa section, l’a portée en avant sous un feu violent et pour rendre de la confiance à ses hommes qui étaient couchés, se promenait de long en large devant leur front. Cet homme qui, le 7 décembre 1914, malgré les pénibles conditions de vie, prend encore le temps d’écrire à un ami qui vit des moments difficiles

Mon cher Paul

Je suis très touché en lisant ta lettre d’apprendre que ton pauvre père aurait été fusillé. Est-ce bien vrai cela ? Il ne faut encore pas croire tout ce que l’on dit sans être sûr. Si cela est vrai, ton père serait donc mort en brave. Je sais qu’il en était un, aussi j’adresse à tous les tiens mes sincères condoléances. Je vois en effet que si nous avons le bonheur de nous revoir, pas beaucoup n’auront personne des leurs manquant, c’est triste. Je n’aurais jamais pensé à cela. Comme …. (ill) ma maison est encore debout pour le moment mon cher Paul, cette chose m’intéresse certainement mais peu, je préfère tout perdre et revenir, si cependant cela est possible car tu sais, je ne suis pas au bout de mes peines. Ecris-moi souvent, cela me fait plaisir.je t’adresse ci contre un petit souvenir, cela représente ceux que je commande, je suis derrière au milieu, déjà beaucoup dedans sont des nouveaux qui viennent remplacer les disparus.

Le sergent Herbin a exercé avec la plus grande énergie sous un feu violent d’artillerie  lourde le commandement de sa demi-section.

Le caporal Lecaille pour son énergie et sa belle attitude au feu.

 

10ème compagnie

Le capitaine Pecqueur tué à la tête de sa compagnie. Le JMO n’en donne pas de relation. Pourquoi ?

Le sous-lieutenant Valette, sous-lieutenant de réserve de la territoriale arrivé il y a quelques jours au régiment ayant demandé à venir au front, a été tué en conduisant sa section sous un feu violent d’artillerie.

Le sous-lieutenant Delcourt. Le capitaine Pecqueur et le lieutenant Valette ayant été tués  il a pris le commandement de la compagnie et malgré la perte de plus de la moitié de son effectif l’a maintenue au feu.

L’adjudant-chef Coche a entraîné sa section jusqu’aux réseaux de fil de fer ennemis dans lesquels malheureusement l’artillerie n’avait pas fait brèche, s’est replié après avoir reçu l’ordre de son capitaine

Soldat Jaupart a été découper du réseau de fil de fer sous le feu d’une section de mitrailleuses.

Soldat Deneuville Jules , blessé deux fois dans les réseaux ennemis alors qu’il les détruisait pour permettre le passage de sa section

Le soldat Baron Marcel, bien que blessé a continué à avancer jusqu’au moment où il est tombé à bout de forces. Il a reçu 7 balles, 3 dans la région lombaire, 2 dans le bras droit, une dans l’aine et une au pied.

baron 20 fe 1915Extrait JMo du régiment

fils de feu Jean-Baptiste et de Clémence Wingerter est né le 30 mai 1894 à Paris dans le 18ème arrondissement, résidant 42 rue Milton dans le 9ème arrondissement et imprimeur de profession, Il est donc de la classe 14 dont un des  contingents est arrivé en  novembre 1914 en renfort du 148ème Ri. Trop peu aguerries, ces jeunes classes suivront encore une instruction au cantonnement et auront deux séances de tir à Fismes.

27 mars 15 medailleCitation dans le journal officiel

 Ce n’est qu’après ce complément d’instruction que les hommes seront distribués dans les compagnies. Comme prise de contact avec le front, ce sera le premier hiver passé dans les tranchées, le froid, les inondations, les nombreux bombardements dans le secteur de la ferme de la Pêcherie. Le 13 février, le régiment quitte le secteur et est envoyé à Cauroy-Hermonville pour prendre part à l’attaque dite « du Bois du Luxembourg ». Son premier combat qui aura des conséquences néfastes. Blessé par un éclat d’obus au coude droit ainsi que par l’impact de 7 balles, il est évacué vers l’arrière.

Avec les informations contenues dans  ses états de service, on peut retracer son parcours après son retrait du front

« Lors de l’attaque  du 16 février, blessé, a continué d’avancer jusqu’au moment où il est tombé à bout de forces ; A reçu 7 balles, 3 dans la région lombaire, 2 dans le bras droit, 1 dans l’aine et 4 dans le pied ». Evacué vers l’arrière, il arrive à l’ambulance n° 3, le 17 février 1915 et il en sort le 10 mars suivant et transféré à l’hôpital Saint-Stanislas n°101, le 11 mars Il en sort le 25 juin et dirigé directement sur l’hôpital dépôt n°1 pour y entamer, du 25 juin 1915  au 17 février 1916, une longue période de soins .Il profite toutefois d’une permission de 9 jours du 26 juin au 4 juillet 1916. Il rejoint l’hôpital complémentaire de Vannes du 17 février 1916 au 2 mars 1916 puis l’hôpital Bénévole 26 bis de Saint Gildas du 2 mars au 17 mars 1916. Il passe devant une commission de réforme à Vannes le 22 mars et est classé inapte un mois pour fracture ancienne de l’épaule droite par blessure de guerre entraînant des séquelles « ostéotite chronique de l’humérus ». Il est nommé soldat de 1ème classe le 26 août 1916.Il n’est cependant pas encore totalement guéri. Il est donc nommé dans le service auxiliaire et détaché monteur d’avions à la société des moteurs Sal…. à Billancourt. Vu son handicap, il est envoyé « administrativement » au 11ème RI le 13 novembre 1916 puis passe au 21ème ri le 1er juillet 1917 mais maintenu en service auxiliaire jusqu’au 18 décembre 1918 et mis en congé illimité de démobilisation le 30 avril 1919. Il garde une invalidité de 10% et proposé pour une pension permanente de 240 fr à partir du 6 octobre 1920. Décision confirmée  de la commission de réforme de la Seine du 21 mars 1922.

 

9ème compagnie

Le lieutenant Degouy, commandant de la compagnie a été gravement blessé après avoir brillamment débouché avec deux sections de sa compagnie.

Le sous-lieutenant Van Laarhooven après avoir brillamment débouché avec sa section, quoi que blessé d’une balle à la tête, en a conservé le commandement jusqu’à la nuit tombée.

Le sergent-major Herzog et le sergent Mathieu Henri ont déployé une grande énergie dans le commandement de leur demi-section.

Le soldat Rewerfen Jean-Louis malgré la violence du feu s’est porté immédiatement à son poste

Le soldat Varlet Georges bien que blessé grièvement a gardé sa place au feu jusqu’à la fin de l’engagement

Le soldat Villeval Louis a manifesté un grand dévouement pour ramener ses camarades blessés

Les soldats Dubus Vital, Neuville Marcel et Le Léty René ont eu une belle conduite au feu

Le soldat Bricout Joseph, grièvement blessé, (mutilation de la face). Il sera décoré de la médaille militaire le 25 mars 1916

 

Non identifiés dans une compagnie

Soldat Levet Maurice, n’étant pas mitrailleur est allé sous le feu rechercher une mitrailleuse dont les servants avaient été tués ou blessés.

Soldats Blonde Henri et Le Pan Jean Marie, sont allés sous le feu ennemi et à proximité de lui rechercher en plein jour un blessé qu’ils ont pu ramener.

Sergent Passion, blessé après s’être fait panser a repris le commandement de sa section et l’a conservé jusque la fin.

Adjudant Paquier , chef de section de mitrailleuses, a été tué alors qu’il venait de faire mettre en batterie sous le feu de l’artillerie lourde, la plus grande partie de son personnel ayant été tué ou blessé.

voir

http://148emeri.canalblog.com/archives/2018/03/07/36925438.html


Le mitrailleur Bailleux Oswal  qui « au combat du 16 février, sous le feu, s’est offert pour aller rechercher du matériel abandonné appartenant à une autre section de mitrailleuses très éprouvée. a rapporté des caisses à munitions et est retourné ensuite rechercher à proximité des lignes allemandes le corps de l’adjudant qui commandait cette section.

Flandrin Eugène, blessé alors que comme agent de liaison auprès du capitaine il dégageait le réseau de fil de fer pour permettre le passage de la colonne d’assaut

Hennon Jean perte d’un œil lors de l’assaut.

 

morts et blessésUn premier bilan dressé immédiatement après le combat. Un bilan qui sera revu nettement à la hausse en ce qui concerne les morts. Plus d'une cinquantaine de nouvelles victimes seront retrouvées....

 

Sources

Mémoire des hommes, JMO de la 8ème brigade et du 148ème ri.

Archives départementales du Nord et des Ardennes:  états de services de l'adjudant Manesse Louis,  du soldat Baron et adjudant Chaudon

Journal officiel pour les citations

sources Journal de Fourmies des 22 et 26 février 1922

Photo personnelle à Cormicy

 

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