Le renfort du 23 octobre 1914, beaucoup de pertes
Le renfort du 23 octobre 1914
Le 148ème ri sévèrement touché lors de ses engagements doit reconstituer ses effectifs.
Les effectifs au 28 septembre 1914 et le renfort du 23 octobre, extraits du JMO
Comme les départements habituellement fournisseurs en hommes ( Ardennes et Nord) sont occupés, (le dépôt du régiment ayant quitté Givet et s'étant transporté à Vannes) les renforts seront, dans un premier temps constitués d’hommes prélevés dans les départements bretons et plus particulièrement celui du Finistère. Les besoins en soldats étant énormes, l’Etat-major puise dans toutes les classes d’âge, remontant jusqu’à celle de 1900. On rencontre même, mais cela est, pour le 148ème ri, assez exceptionnel, des classes 1896 (Chenel Julien), 1897 (Vacon François) et 1898 (Ollivier Eugène). En octobre et novembre 1914, au total des trois renforts, ce seront 1138 hommes qui viendront renflouer le régiment.
Parmi eux, Pierre Le Dréau. Il traversera les premiers combats sans préjudice mais sera grièvement blessé à Quennevières puis évacué plus tard pour maladie. (Nous en reparlerons)
Les listes des pertes du 23 octobre au 19 novembre, date de la relève du régiment
Parmi tous les soldats cités dans les listes des pertes, nous avons pu isoler 121 Bretons qui faisaient partie de ce renfort et avons retrouvé leurs états de service dans les archives départementales bretonnes
Qui sont-ils ?
Ce sont, pour la plupart, des trentenaires, majoritairement des cultivateurs, ayant fait leur service militaire au tout début du siècle dans les équipages de la flotte ou dans des régiments de l’armée de terre bretons mais également dans d’autres régiments disséminés en France. Leur service militaire terminé, ils passent dans la réserve munis généralement d’un certificat de bonne conduite.
François Sinquin, après son service dans les équipages de la flotte reprendra ses activités professionnelles et se mariera.
http://148emeri.canalblog.com/archives/2021/04/10/38913049.html
Retournés à la vie civile, ils reprennent leur activité professionnelle et, en se mariant deux ou trois années après, fondent une famille. Par deux fois, ils devront prester une période d’exercices de quelques jours. Un mariage et la naissance, avant 1914, de 2, 3 ou 4 enfants et pour certains, plus encore comme Le Meur Joseph et Guillemet Joseph qui comptent 5 enfants et 6 chez Jaouen Joseph et Guellec Jean !
Août 1914
Alain Le Gall, (au centre), bien que marié et père de 3 enfants, sera rappelé.
Pour beaucoup d’entre eux, ils ont donc plus de 30 ans et ont charge de famille. Rappelés à l’activité entre le 3 et le 21 août 1914, ces trentenaires reprennent une instruction sous l’égide du 118ème ri de Quimper et ce jusqu’au 20 octobre. Deux mois ! Est-ce suffisant pour remettre en forme des hommes dont la condition physique est quelque peu émoussée et qui ont, malgré deux périodes d’exercices, oublié certainement quelques-uns de leurs acquis militaires. Seront-ils suffisamment préparés pour être envoyés au feu ? Mais il faut de la troupe pour combler les pertes de ces deux premiers mois de guerre. A tel point que des conseils de révision rappellent, à l’instar de Baton Michel, des hommes déclarés inaptes avant guerre mais qui, en ce mois de septembre 1914, seront certifiés aptes au service armé !
Le départ pour le front est proche.
L’instruction terminée
Ils partent le 19 octobre en direction du front et arrivent à Berry-au-Bac le 23. Aussitôt arrivés, ils sont distribués dans les Ier et IIIème bataillons qui ont le plus souffert.
Mais le surlendemain de leur arrivée, ils montent déjà en ligne et découvrent la réalité d’un combat. Leur baptême du feu.
Les combats s’enchaînent sur la coté 108 et le long du canal jusque Sapigneul et dans Berry-au-Bac.
Dans Berry-au-Bac en septembre octobre 1914
le 25 octobre, une attaque violente d’infanterie ennemie préparée par un feu d’artillerie et de mitrailleuses, contre attaque du 148ème ri :
9 tués : 27 blessés et 17 disparus
le 26, combat au corps à corps pour reprendre une tranchée : 13 tués, 33 blessés et 12 disparus
le 27, des mines allemandes explosent sous les positions du 148ème ri : 3 tués, 21 blessés et 15 disparus
le 28, une violente canonnade ennemie sur les tranchées : 3 tués, 6 blessés et 1 disparu
le 30, une attaque violente d’infanterie ennemie préparée par un feu d’artillerie, contre-attaque du 148ème ri : 7 tués, 30 blessés, 1 disparu
les mines, la hantise des hommes, l'ennemi silencieux qui bouleverse le terrain
le 31, une mine allemande saute, perte d’une tranchée, contre-attaque du 148ème : 3 tués, 22 blessés, 12 disparus
le 1er novembre, vive canonnade ennemie sur la cote 108 : 6 tués, 2 blessés.
le 3, violente attaque ennemie sur la cote 108 (repoussée) et Sapigneul, (mise en défense du secteur proche) : 1 tué, 6 blessés et 2 disparus
le 4, première attaque du 148ème ri pour reprendre Sapigneul : 1 tué, 18 blessés et 13 disparus
le 9, une attaque d’infanterie ennemie préparée par un feu d’artillerie sur Berry-au-Bac, contre attaque du 148ème ri : 5 tués, 18 blessés
le 10, une nouvelle attaque d’infanterie ennemie sur Berry-au-Bac : 6 tués, 13 blessés, 2 disparus
les 11 et 12, attaques du 148ème ri sur la cote 108 et sur Sapigneul: 8 tués, 24 blessés et 15 disparus
le 13 suite des attaques des 11 et 12 sur Sapigneul : 25 tués, 102 blessés et 53 disparus
le 15, canonnade ennemie avec du 210 : 1 tué, 5 blessés
Pour les jours intermédiaires, ceux sans combat, il y a néanmoins eu des victimes comme ce 2 novembre : 1 mort, 3 blessés et 1 disparu
Les Allemands emploieront cette ruse plusieurs fois
1 tué et 2 blessés
le 19 novembre, le régiment est relevé.
Un bilan provisoire
Outre la soixantaine de soldats bretons blessés sans gravité et non évacués, on compte parmi les 416 hommes faisant partie du renfort de ce 23 octobre, 30* tués à l’ennemi, morts des suites de blessures ou bien disparus, 24 blessés sérieusement atteints et 10 prisonniers. Bilan dressé à l’heure actuelle des dépouillements des archives.
La nécropole de Berry-au Bac où certains reposent, au loin, la cote 108
Nombre de victimes reposent dans les nécropoles de Berry-au-Bac, en moindre mesure dans les nécropoles de Soupir, Pontavert ou dans un cimetière jouxtant l’hôpital où ils étaient soignés, Nevers, Suippe… voir les albums sur ces nécropoles
Quant aux blessés, bien que renseignés comme tel, beaucoup ne souffrent que d’une blessure "bénigne" ne nécessitant pas d’évacuation. Ils seront pris en charge aux postes de secours ou à l’infirmerie du régiment. Blessure légère qui ne sera pas prise en compte sur leur état de service. En revanche, certains, plus gravement atteints seront évacués vers l’arrière et recevront des soins parfois très longs avant de revenir au régiment voire de muter vers un autre régiment. Parmi eux, plusieurs garderont de lourdes séquelles, amputation, impotence, perte d’un œil, fracture de la mâchoire…
En ce qui concerne les disparus, la plupart, ayant perdu le contact avec leur section, tarde à rentrer dans leur compagnie. Ils ont néanmoins été considérés comme disparus car non présents lors de l’appel fait après chaque engagement. Pour d’autres, ils ont été capturés et emmenés vers les camps allemands. Pour de plus rares, le corps n’ayant pas été relevé par l’un des deux camps et n’ayant pas été retrouvé plus tard, il faudra un jugement d’un tribunal civil pour décider d’une date de leur décès. Ceci afin de permettre aux familles de faire leur deuil, réaliser un héritage, à la veuve de se remarier, aux enfants d’être déclarés pupilles de la nation.
Pas de prénom pour plusieurs "Bretons", serait-ce un indice qu'à peine arrivés, ils ne sont pas encore connus de leurs frères d'armes?
*À ce triste bilan, il faut encore ajouter les soldats qui sont morts, quelques jours après le départ du régiment, des suites d’une maladie contractée pendant cette période.
Une page en préparation avec des informations sur les tués, blessés, prisonniers ou disparus
Sources
Mémoire des Hommes, JMO du 148ème RI
Document de familles:Merci du partage Mr. Chouet pour F. Sinquin, Mr. Ch. Le Rest pour P. Le Dreau, et Mr. R. Stullu pour Le Gall Alain voir
https://gw.geneanet.org/rstrullu?n=le+gall&oc=4&p=alain
cartes postales anciennes, coll. priv.