Du 19 novembre au 8 décembre 1914, marches, revues et exercices!
Du 19 novembre au 8 décembre 14
Un ordre du Ier Corps d’Armée informe le lieutenant-Colonel Vignier de ce que son régiment va être relevé de la Côte 108 et de Berry-au-Bac par le 8ème ri et passe de ce fait en réserve du 1er CA
Le 8ème ri vient relever le 148ème ri à Berry-au-Bac et le 148ème part prendre ses cantonnements dans les villages que viennent de quitter les hommes du 8ème ri.
La relève se fera en deux fois, en premier lieu, les unités présentes sur la Côte 108 dans la nuit du 19 au 20 puis celles de Berry-au-Bac dans la nuit du 20 au 21. Ces mouvements exécutés de nuit évitent le repérage par les aviateurs allemands. Après un bref arrêt à Gernicourt, le temps de se reconstituer, le régiment reprend sa marche vers ses nouveaux cantonnements. « Ce soir, on est relevé pour aller en repos bien gagné, la moitié de la compagnie arrive en retard tant les hommes sont fatigués » précise J. Degaugue présent à Berry-au-Bac.
Courlandon, la papeterie visitée par notre témoin. La cours de l'usine
En route vers Courlandon et Magneux, deux petits bourgs situés à hauteur de Fismes, plus ou moins 30 kilomètres de Berry-au-Bac, « loin » des premières lignes. A l’exception du 3ème bataillon, logé à Magneux, les 1er et 2ème bataillons, la compagnie hors rang et l’Etat-major occupent Courlandon. « Courlandon, petit village de 300 lits près de Fismes, avec une petite papeterie que je viens de visiter » précise notre témoin.
L'hygiène corporelle aura été une grande préoccupation pour ces hommes mais le temps et les moyens manquaient pour prendre soin de soi.
Immédiatement, les mesures arrêtées pour des troupes au repos sont initiées. Remise en état du matériel et entretien pour les hommes. « Je me lave, beaucoup de mes camarades sont criblés de poux, je ne m’étonnerais pas d’en avoir aussi. C’est la sainte Catherine, je pense à … (ill).
Un concert donné au quartier de la 5ème division
Un concert est donné et comme précédemment, notre témoin qui ne comprend pas cette légèreté, reprend une partie d’une citation de Lamartine « Honte à qui chante alors que Rome brûle… » (qu’il attribue faussement à V. Hugo).
Les 300 "bleuets" arrivés le 13 novembre sont répartis dans les différentes compagnies. L’occupation d’un si petit village par autant d’hommes pose problème, alors, afin de diminuer cette trop grande concentration de troupes, une dispersion des unités vers les villages voisins est commandée.
Extrait du JMO du 23 septembre, répartir la troupe afin de désengorger le bourg de Courlandon.
Etonnant, le lieutenant-colonel signale l’installation bains douches !
Le lieutenant-colonel prrescrit l'installation de douches.
Ce qui n’a pas l’air de marquer la mémoire de J.D. qui n’en parle pas dans ses carnets. Au repos, « loin » des premières lignes, les jours se ressemblent. « Rien à signaler » lit-on à plusieurs reprises dans le JMO. Des petits événements meublent néanmoins le quotidien des hommes. On décore ou on cite plusieurs hommes qui se sont particulièrement distingués à Berry-au-Bac. Des cérémonies qui s’achèvent chaque fois par une revue suivi d’ un défilé, pas toujours au goût des soldats qui doivent nettoyer leur uniforme.
Citation pour le lieutenant Tassin qui a la tête de la 3ème compagnie « est allé à la baïonnette reprendre un pont et un village occupé par l’ennemi ». La médaille militaire est attribuée à l’adjudant chef Robert Juste, « blessé en repoussant des attaques de nuit a conserve le commandement de sa section et malgré l’avis du médecin a repris son poste avec sa section » et au brancardier Géraud G. « pour son courage et son endurance entraînant constamment ses camarades pour assurer au mieux un service de relève des blessés particulièrement pénible ». Cité à l’ordre de l’armée, le caporal Docker qui s’est « offert volontairement pour diriger une patrouille périlleuses, a rapporté des renseignements précieux, puis seul a franchi un pont battu par un feu extrêmement violent et en a surveillé les abords de façon à permettre le travail des sapeurs du génie ». Cités à l’ordre du 1er CA, le médecin- major Graziani qui « au cours de son séjour à Berry-au-Bac du 24 octobre au 20 novembre a montré le plus grand zèle et le plus grand dévouement en organisant les postes de secours à proximité de la ligne de feu » au lieutenant Jacquemin, à titre posthume, « mortellement touché dans une tranchée à 10 mètres de l’ennemi et en butte aux grenades à mains » ainsi que l’adjudant Doué qui « après la mise hors combat de son lieutenant a pris le commandement des deux sections et tenir jusqu’à qu’il n’ait plus que 4 hommes valides ».
On est loin des fringants soldats partis en août 14, le temps et les conditions de vie ont eu raison des uniformes
Le général Franchet d’Esperay vient passer le régiment en revue. Encore des apprêts à faire pour les hommes : « Nous ne profitons jamais des leçons de la guerre. Nous partageons notre temps entre les exercices et les revues. Au repos, nous n’avons plus le temps de nous nettoyer, de nous reposer ou d’écrire ». Malgré l’isolement, les nouvelles, fausses ou avérées, de l’arrière circulent parmi les hommes. « La classe 14 est arrivée, on appelle la classe 15 et on parle déjà de la classe 16 ».
Un petit bonheur ! Le régiment touche de nouvelles capotes et chaussures venues du dépôt de Vannes. Encore une information qui ne semble pas avoir marqué la mémoire de notre témoin.
Le quotidien continue, les recrues arrivées le 13 novembre sont emmenées au champ de tir de Fismes et habituées au maniement de leur arme tout comme les sections de mitrailleuses qui procèdent à l’essai de nouvelles pièces dont vient d’être doté le régiment.
La composition de la 5ème compagnie, officiers et sous-officiers
J. Degaugue connaît de sérieux problèmes relationnels avec la hiérarchie de sa compagnie. Il entre en conflit avec le lieutenant Rousseau qui le menace de le traduire en conseil de guerre et lui délivre 8 jours de « prison » pour des chaussures mal entretenues. « Je suis mal vu par le lieutenant Rousseau, le sergent–major Auriac et le sergent-fourrier Lamarre ».
Il n’est pas le seul dans ce cas, son copain Rat A., instituteur lui-aussi, partage les mêmes soucis dans la compagnie voisine.
voir « Entre faits de vie et faits de guerre ».
Itinéraire suivi pour les marches
Il faut entretenir la condition physique des fantassins. Dès lors, des marches sont organisées et, musique en tête, le régiment arpente les campagnes de 11h 30 à 16h 30 autour de Fismes et ce malgré un froid très vif..
Marches, exercices, revues,
« On nous promet d’aller à l’exercice dès 6 heures le matin et se plaint notre témoin dans son carnet : « Le lieutenant Rousseau veut nous désigner par des matricules, comme au bagne et promet un « OS matriculé » (exercice collectif punitif) et deux heures d’exercices en plus pour les malades non exemptés de service »…Et de conclure : « Et on parle de l’Allemagne » ! Il semblerait que ce commandant de compagnie veuille reprendre sa troupe en mains.
Les mitrailleurs ont eu, eux-aussi, leurs périodes d'entraînement
De nouveau les jeunes recrues vont s’entraîner à Fismes.
La répartition de la troupe autour de Ventelay
Le régiment change de cantonnement pour gagner Ventelay et les environs. « La vie est monotone, ennuyeuse, pleine d’ennuis », heureusement J.D. reçoit du courrier de son ami Lecerf, instituteur, et soldat au 127ème ri, avec qui il a fait son stage à Joinville avant la guerre. « As-tu peur d’écrire à un mort » ? C’est de la sorte que son ami commence son courrier. Prémonition ? Cet ami perdra la vie quelques semaines plus tard.
Le 8 décembre, « froid vif », le régiment est rattaché à la 5ème brigade du 3ème CA. Il retrouve le général Mangin à la tête de cette brigade.
La position du 148ème ri début décembre 14
Le bruit court… le régiment va reprendre sa place en premières lignes. Et le lendemain, c’est le mouvement vers Pontavert, entre l’Aisne et la route de Pontavert- Choléra, près de la ferme de la Pêcherie. Il y remplacera le 110ème ri.
Charles Mangin, le général que le 148ème retrouve comme commandant de brigade. En août 14, Mangin commandait la brigade constituée par le 45ème ri et le 148ème ri.
Les pertes
Loin des premières lignes et des bombardements, le régiment ne déplore aucune perte, à l’exception du soldat Bonne Arthur disparu le 20 novembre. Néanmoins, pendant cette période, le régiment perdra 17 hommes : des malades et des blessés lors des combats précédents et qui meurent des suites de leur maladie ou de leurs blessures dans les ambulances voisines voire dans les hôpitaux de l’arrière.
Barré Charles, 23 ans, décédé le 26 novembre 1914 à l’ambulance n°12 à Fismes.
Barroier Louis, 26 ans, décédé le 19 novembre à l’hôpital complémentaire de Nevers et inhumé dans le carré militaire de la ville
Botté Jules, 24 ans, décédé le 28 novembre à l’hôpital auxiliaire n°5 à Orléans
Ferschneider Adolphe, 24 ans, décédé le 23 novembre à l’hôpital mixte de Château-Thierry. Renseigné blessé le 15 novembre 1914.
Goascoz Yves, 33 ans, décédé le 2 décembre à l’ambulance de Cormicy
Le Roch Joseph, 22 ans, décédé le 5 décembre de fièvre typhoïde, à Epernay
Il était renseigné comme blessé
Martin Louis, 23 ans, décédé le 1er novembre à Jauglonne de fièvre typhoïde
Saux Pierre, 26 ans, décédé le 20 novembre à l’ambulance de Champigny-sur-Vesles.
Duez Arsène, Duquenne Eugène Gérard Zacharie, Lebègue Henri, Leroy René, Lorent Joseph, décédés dans d’autres ambulances ou d’autres hôpitaux de l’arrière.
Les archives du Nord étant temporairement hors service pour restructuration, nous compléterons leur fiche dès que possible.
Et le 27 novembre 1914, Hubert Jules, 23 ans, mourra des suites d’une péritonite, à l’hôpital de Wünsdorff et y inhumé. Après la guerre son corps a été rapatrié dans la nécropole de Sarrebourg.
Sources
Mémoire des Hommes, JMO du 1er CA, des 8ème et 148ème ri et fiches "Mort pour la France"
Gallica, Album Mangin, Campagne dans la Marne, sur l'Aisne et dans l'Artois, 1914-1915
AD des Ardennes, extraits des états de services des soldats
Archives du CICR, Hubert Jules
Carte postale ancienne Courlandon.
Photos
Généanet, généalogie Mr. Strullu, photo de Goascoz Yves
Barroier Louis, carré militaire du cimetière de Nevers: Mme CL. Breck
Le Roch Joseph et Saux, nécropole de Suippes: Pierre Mr. Girod
Photos de troupes, collection Mr. Bazas
Sarrebourg, photos personnelles