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Pour le 148ème régiment d'infanterie
7 mars 2021

1914 Entre faits de vie et faits de guerre

Degaugue Joseph,

fils de Joseph et de Delcourt Cléonie, domicilés à Escaudain est né le 6 mai 1892 à Denain. Il est instituteur adjoint lorsque la conscription le convoque. Sur sa fiche de signalement, il est décrit comme ayant des cheveux noirs, yeux verts, nez rectiligne, visage rond, il mesure 1m73, signe distinctif : des brûlures au menton. Son degré d’instruction est de 4.

JOINVILLE - Ecole de gymnastique et d'escrime - x -L'école de sports de Joinville

Déclaré « bon pour le service », il intègre le 148ème ri comme soldat de 2ème classe, le 8 octobre 1913, à la 8ème compagnie. Nommé caporal le 15 avril 1914, il suit des cours de maître de gymnastique à l’école des sports de Joinville. La déclaration de guerre le rappelle au régiment et, muni de son diplôme, il  le rejoint le 30 juillet 1914. Il reprend place dans la 5ème compagnie, celle du capitaine Renon.

Il va tenir de nombreux carnets dans lesquels il consigne son vécu, le quotidien d’un soldat pris dans la tourmente mais surtout toutes ses pensées pour ses pauvres parents à qui il a laissé une mèche de ses cheveux.

état de serviceSes états de service, fiche matricule sur les AD du Nord. Dans la colonne de gauche, toutes les actions auxquelles il a participé, colonne de droite, sa blessure.

Il vit son baptême du feu à Onhaye en Belgique, la retraite vers la Marne, les combats de Coucy-le-Château et échappe à l’anéantissement de la 5ème compagnie le 14 septembre. Il ne reste qu’une vingtaine de soldats de sa compagnie.  Puis ce sera Cormicy, son premier prisonnier, Berry-au-Bac, Sapigneul, Choléra et la perte de quelques bons camarades, ceux qui, comme lui, avaient échappé au désastre du 14 septembre. Promu sergent le  7 mars 1915, il remonte au front à la ferme du Luxembourg puis à Quennevières et Moulin-sous-Touvent, un massacre pour le régiment ! Pendant ses périodes de repos, il raconte ses visites, celle au château de Pierrefonds le marque très fort et  sa permission à Paris dont il reviendra fort déçu et dégouté de voir tous ces planqués qui se pavanent dans la ville lumière !.

Le régiment va partir pour l’Orient, il se "refait une santé"  pendant son séjour dans les environs de Toulouse. Une période qu’il partage avec plusieurs villageois qui l’hébergent. Il renoue avec la vie de famille, du moins la vie dans  les familles qui l’accueillent, De nouveau, il rencontre quelques demoiselles « toute ont du charme »  qui feront l’objet de plusieurs paragraphes dans ses souvenirs…

Novembre 1915,  c'estle départ pour l’Orient. Un déchirement pour lui. A Toulon, où il attend d'embarquer, il fait le mur pour profiter une dernière fois de sa France ! La traversée en bateau avec la crainte d’être attaqué par les sous-marins allemands. Il découvre bien vite les conditions déplorables de la vie en Orient. A peine le débarquement effectué, c'etle départ pour le front à la poursuite d'un ennemi qui se défile. Merzen et Debrista en Serbie, Hadzi Bari et Dogny-Pojar, Kara-Sinanci en Grèce des noms qui se gravent dans sa mémoire, dans ses carnets. Il connaît le froid, la maladie la malnutrition dans le camp retranché de Zeitlinick. Pire qu’en France ! Des combats difficiles, il est blessé le 1er juin 1917 à Hadzi-Bari, plaie en séton de la face antéro-externe de la cuisse gauche au 1/3 supérieur par éclat d’obus. En convalescence, il échappera au terrible combat Sokol en Turquie. Le 21 août 1917, il reprend du service au contrôle postal de Salonique et, le 23 novembre 1917, est nommé sous-lieutenant de réserve. Il part en permission pour la France le 31 octobre 1918 et rentre au dépôt le 8 avril 1918. . Il y connaîtra l’armistice à Paris ! Il rejoindra le 148ème ri et signera un engagement comme officier.

 

 Au gré de ses carnets

 

 

La mobilisation, le déploiement le long de la Meuse en France

du 1er au 8 aôut

en construction

 

 

Accueil en Belgique et premier contact avec l’ennemi

Du 9 au 26 août 1914

BouvignesExtrait du témoignage d'un habitant de Bouvignes 

  En Belgique,  très  bon  accueil, on nous donne du café au  lait avec des tartines beurrées.  On achète du chocolat. Toujours la même chose,  je rapporte des journaux belges parce qu'il  n’y a plus de journaux français. Accueil enthousiaste à Dinant et à Bouvignes où nous logeons. On nous donne du pain, du beurre, de la confiture, du tabac et du café. Liège tient toujours, on compte aller à Namur bientôt. En quittant Givet n’a-t-on pas promis d’aller à Berlin en 15 jours? Je ne partage ces illusions. La guerre sera longue et pénible car l’Allemagne qui s’est préparée depuis longtemps à la guerre ne se laissera pas écraser. La guerre durera au moins jusqu'au mois de mars ou d’août et 1915. Je prends un bain dans une maison particulière, je connais encore d’autres personnes entre autre une délicate jeune fille Josephine  avec mon camarade Pierre Picard.

Leffe 177Le village de Leffe avec la route à surveiller (Historique du IR 177 saxon)

1 Belgique

 

 

-Je vais au petit poste en-avant de Dinant. Là, nous avons vu 8 Allemands, 2 ont été  tués.  Quel spectacle! Ce sont peut-être des pères de famille mais... Foule enivrée de joie. Le soir on va prendre position pour barrer une rue où des Allemands pourront peut-être arriver. Frères blancs, excellent accueil, charcutier, Maria nous fait du café toute la nuit.

yvoirYvoir, le pont encore intact, la gare.

 -Yvoir, on s’installe au pied d’un pont, en bas du château, en face de la gare, au débouché d’une route, Il pleut toute la nuit. L’autre bataillon se bat toute la journée à Dinant. Nous attendons toujours avec 250 cartouches, je suis agent de liaison au commandant Vanniere à Anhée (?) Le 16, Bioul, il a plu toute la nuit, accueil ordinaire institutrice fille(?);

J’ai vu un prisonnier. J’achète du pain, on nous donne de la bière pour rien, on me fait cadeau de pommes et de poires et des œufs.

-Hun, bon accueil dans une maison. On fait des tranchées, on fait toujours des tranchées et deux jeunes filles me font à manger;

-Mon père vient me voir, au risque de sa vie. Le reverrai-je un jour, je lui donne une mèche de cheveux. Je dine avec lui. Séparation touchante, je pense à ma mère. J’ai entendu les 75, vie toujours excellente, beaucoup de bière.  Patrouille la nuit et le jour de Hun à Rouillon.

-Le 22 août, le service de garde est fatigant, d'habitude on se lève à deux heures du matin. Je passe toute la nuit. Les 75 tirent sur nos chasseurs à  cheval!

 

Onhaye le baptême du feu

 le 23 août 1914, une victoire inexploitée

OnhayeUn extrait de la liste des pertes, le régiment perdra 4 officiers dont le chef du bataillon

 Patrouille de nuit et le jour à Hun et à Rouillon. Le service de garde est fatigant. D’ailleurs d’habitude, on se lève à 2 heures du matin, je passe toute la nuit.  Départ à 2 heures du matin (vers) Bioul, (départ de Bioul) on se déploie en tirailleurs. La population fuit, l’artillerie se place en arrière. On croise le 1er corps d’armée. On marche. On voit beaucoup d’automobiles. –( véhicules belges) Après avoir fait 40 kilomètres, on arrive à Anthée. (+/- 22 km en réalité). Le groupement arrive à Anthée, on pense se reposer tant on est fatigués. On continue. "Une courte pause, juste le temps de remplir sa gourde d’une eau fraîche" dira un autre témoin.  Cadoux apprend qu’une première contre-attaque a eu lieu mais sans résultat. Son  groupement participera donc à la seconde vague commandée par Mangin en personne.  Encore 6 Km !  On se forme en ligne de sections. Déploiement en tirailleurs. Bonds pendant 1300 m environ. Quelle course. Un sous-officier est devenu fou. Quelques tirailleurs tués côté à côté. Un tué avec son sac pour abri. Baptême du feu. Cela ne me fait rien. Les balles sifflent mais trop haut. Il est nuit (?) car on a commencé vers 7 heures. Le village d’Onhaye est en feu. On ne voit pas (les) Allemands. (Les) mitrailleuses fauchent, (les) 75 nous protègent. Inconscience sous les balles, (on) charge la baïonnette au canon.  Ecrasés par les mitrailleuses, au moins un bataillon. Sous le feu du 45ème ri et des régiments de réserve  ( 233è et 243è ri). Retraite. (des) mitrailleuses dans l’église.  Ne vois plus le 148ème. (je) vais rassembler tout ce qui reste à Anthée. Soif ardente ; je reviens à Onhaye. Maire assassiné.    Des blessés jetés dans le feu. Horreur. Eau empoisonnée. A 1 heure du matin,  la bataille est terminée".

J. Degaugue et sa compagnie sont pris sous le feu d'unités françaises.  Pour lui ce sont les mitrailleuses du 45ème qui se trouvent près de l'église qui sont responsables. Mais... est-ce le feu des mitrailleuses du 45ème ri ou le feu des compagnies du 233 et 243èmes ri ? Pour le chef de bataillon du 45ème, la responsabilité est à mettre sur le compte « des compagnies du 233e et du 243e venant du Sud, ont suivi le mouvement, et là, en pleine nuit et mélangées, se mettent à tirer et tirent les uns sur les autres. Il est impossible de faire cesser cette tuerie parce que l’enlèvement de la position a été faite de nuit et que les fractions du 233e et 243e sont affolées, tout le monde déployé sans réserve.

Ce n’est pas le bourgmestre  mais un des fermiers tués et dont on a déposé le corps dans la maison du bourgmestre) .

 

Marcher en dormant, dormir en marchant

Pendant la nuit, j’ai des hallucinations, Il me paraît voir des éclats d’obus et je ne rêve pas, je marche.

du 24 août au 5 septembre

A peine le combat d’Onhaye terminé, la retraite commence.

surice en feuLe village de Surice en feu détail de la  peinture exposée dans ce village

  -Le 110 nous protège la retraite. On devait fuir deux corps d’armée  allemands.  Le matin, nombreux morts. Marche de 50 km. Pendant la marche, je cueille des pommes, j’achète  1 litre de vin 1,50 fr. Arrivée à  Agimont  vers .4 h.  Après midi. Se laver, manger des confitures. À 6 heures, on fait des tranchées, à  8 heures, quelques coups de fusil allemands d’où  alerte.

-Départ à  minuit.  Marche toute la journée.  Chaleur torride, marche très pénible sous-bois. Route encombrée,  45 ème ri en colonne par un. Arrive a Rocroi à  1 heure le matin du 26 août  après avoir fait 73 ’km. ( ?)

-Départ de Rocroi à  8h. Achète 1 l de vin blanc pour 1 fr. Croise des territoriaux incomplètement  équipés  qui retourne t à  Givet. Les Allemands nous suivent à  deux heures d’intervalle.  Quel gâchis quelle imprévoyance
-Les habitants  fuient avec leurs enfants,  quelle  misère  de  voir ces gens a peine  vêtu.  Il paraît que les Allemands ne font pas de prisonniers et achèvent les blessés  et les trainards.

-Le soir, le ciel est embrasé,  les villages derrière  nous  brûlent.  Nous sommes talonnés Arrivée à Marle.  Grande bataille engagée.  Chaleur torride, les gens donnent de l’eau. Nombreux fuyards du Nord. Des aéroplanes  français.

-Embarquement  pour Rinceny  où  je fais connaissance des deux filles d’instituteurs, des normaliennes. La Ferté, on ne sait que faire. On a l’air désorienté. 

 

 Après le combat de Coucy-le-Château, la marche reprend.

 

le pont de MaizyLa page du JMO, le 3 septembre, le pont de Maizy, passage de la Marne..

 - Marche jusque minuit. On va à Laon. Il est occupé. On va sur Soissons, il est occupé. Après un repos de 2 heures, on erre de nouveau dans la nuit sans savoir où aller. Je suis très fatigué mais je n’abandonne pas mon sac. Pendant la nuit, j’ai des hallucinations, Il me paraît voir des éclats d’obus et je ne rêve pas, je marche.

-On erre toute la journée. Un camarade trouve un seau de vin. Nous restons 20 de la 5ème compagnie. Vers 2 heures du soir, nous sommes arrêtés par de l’artillerie allemande mais nous sommes protégés par des 75 miraculeux. Marche sous les bois. Depuis hier je n’ai pas mangé.

-Tous les traînards sont pris. Qu’est devenue ma 5 ème compagnie ? Je trouve un peu de lait. Je regrette beaucoup d’avoir abandonné un peu de linge surtout ma veste. Fatigué. On n’a encore rien a manger. Heureusement qu’il y a beaucoup de pommes.

-Suis heureux de pouvoir manger des betteraves. Si on arrivait ¼ heure plus tard, le pont (de Maizy) était sauté  par le génie. Je vois un ancien moniteur de Joinville. Que vont devenir les traînards. On abandonne les Zouaves. Soif. Voilà 3 jours que nous n’avons pas mangé. On rencontre enfin le 18ème corps.

-On erre toujours. Beau temps, chaleur, soif. Source. Quelle faim. On cueille quelques noix. Marche sous bois. On passe la Marne à Maizy. Grande halte de 1h ½, on fait de la soupe. Des obus pleuvent dans les marmites. Retraite précipitée. Gâchis. Tout est mêlé, zouaves, train de combat, artillerie, chasseurs à cheval. Quelle pagaie. Quelle soif. Que de fatigues.

-Au lieu d’aller à Courboin, on va à Artonges. Je m’aperçois que j’ai perdu mon porte-monnaie contenant 40 francs. On passe à Montmirail. Heureusement que nous avons des pommes pour nous nourrir. Quelle misère. Depuis hier, des convois d’artillerie encombrent la route. Soutien d’artillerie pour laisser couler tous les convois. Toute la journée, on protège la retraite. Je vais cherche un lièvre qu’un obus a tué à une vingtaine de mètres en avant de moi. Quelle aubaine.

Arrivée à Saint-Genest puis à Villers Saint-Georges. Il m’arrive de penser à ma pauvre patrie. Pourquoi ne pas combattre ? Liège est tombé ainsi que Namur. Et Maubeuge ?

- Je mange des betteraves. Les chevaux sont maigres. Beaucoup sont abandonnés et ne tiennent debout que par miracle d’équilibre. On va bientôt arriver à Paris…

Le combat de Coucy-le-Château

Le 1er septembre

On marche, on traverse Coucy-le-Château où on voit le 205ème  ri. Les Allemands sont derrière et devant  nous. Officier des dragons blessé  qui doit revenir. 

FrLe lieutenant  Fr. de Malherbes devait assurer la transmission des ordres entre les bataillons du 148ème ri

Le Lieutenant de MALHERBE est tué par un poste allemand entre Quincy et Coucy à Loeuilly (Canal de l'Aisne) au moment où, croyant parler à un poste français il descendait d'auto" Officier d'une haute valeur morale. A fait preuve dans ses fonctions d'Officier d’État-major de brillantes qualités militaires: dévouement, énergie, confiance. A trouvé une mort glorieuse en exécutant une mission périlleuse devant Coucy-le-Château"

- Marche sous bois. La 1ère compagnie en tête,  mitrailleuses allemands se retirent. On passe le pont en courant, un blessé allemand achevé, nombreuses lances brisées, quelques morts ennemis, bicyclettes et motos abandonnées. Tout à coup, on reçoit des obus de 77  alors qu’on marchait  en colonnes par 4.

Je me couche le long du chemin jusqu'au soir. Depuis midi, les Allemands qui occupent les crêtes nous tournent à droite. Au soir les mitrailleuses sont à notre droite, à 100 m. On est encerclés. Blessé avec bras arraché. Drapeau abandonné. Ordre de repli. Je garde le drapeau et fais le coup de feu mais inutile et impossible de tenir. Je me replie dans les derniers, blessés abandonnés. Je rends le drapeau à l’officier qui l’avait abandonné. Sur la route, les obus pleuvent. Soif intense par cette journée de soleil. J’attends que la rafale soit passée pour traverser le pont qui est bien repéré. J’aide un adjudant-major à mettre à l’abri un fantassin qui a les 2 jambes presque arrachées. Plus de 50 obus nous arrivent pendant ce temps. Où se replier? Personne ne le sait. Je rejoins le capitaine Massenet, je longe les bois à droite, il faut aller à Landricourt. On m’envoie seul reconnaître où est Landricourt et voir s’il est occupé par les Allemands. Je vais au village voisin. Donne des renseignements au geste. On m’abandonne, je cours, culbute trois fois dans les marais, perds mon pain et tout ce que la musette contient. Bois un peu d’eau Obus pleuvent. On rejoint le 1er bataillon je vois le camarade Rat de la 2ème  compagnie. Je vais chercher la voiture pour les blessés. La 3ème compagnie garde le drapeau, baïonnette au canon. . On rejoint le reste du régiment. Il reste environ 20 hommes de ma compagnie. Et de fait, pendant sa marche, le commandant Vannière, prévenu d’un changement d’orientation par le lieutenant de Malherbes, s’est rendu immédiatement à Coucy-le-Château « avec mission d’y prendre des avant-postes pour garder les voies de communication venant du Sud et de l’Ouest et de détacher des postes de surveillance sur celles venant du Nord ». Ce changement n’a pas été transmis au reste du régiment. Et pour cause, le lieutenant chargé de la transmission vient d’être tué dans les environs de Coucy.

Lieutenant Fr. de Malherbe, Photo B. Baverel, Memorial Genweb.

 

La poursuite

Du 6 au 12 septembre

ordre de marcheOrdre du jour du général Joffre

-  Nous ne reculerons plus, on nous lit l’ordre du jour du général Joffre qui demande de se faire plutôt tuer plutôt que de reculer. On nous promet des récompenses et de l’avancement. Cela va bien, nous sommes en réserve de la Vème armée du général Franchet d’Esperay. Nous avançons. Les isolés seront fusillés ainsi que les trainards. Pluie, Montréal-les-Provins démoli, ruines fumantes. Loin du champ de bataille. Je marche toute la journée avec la chair à vif au gros orteil gauche. Je n’ai pourtant jamais eu mal aux pieds. Nombreux morts et blessés. Par la pluie, on couche dehors sur une botte de paille Faim. Bataille gagnée. Poursuite Château-Thierry démoli, je peux trouver un litre de vin, 1 kg de sucre, 2 œufs une cigarette pour un ami. On dirait que l’on fait exprès de coucher dehors par la pluie. Montmirail, Marchais, puits empoisonnés, beaucoup de chevaux fatigues, maigris mourant de faim et de soif sont dans les champs. Faim, soif, fatigue, pluie. Qu’est devenue la 5ème  compagnie? Et mes parents? Pluie faim.

comptoir français de CormicyLe comptoir français de Cormicy

  Le 12 septembre.

  Je fais un prisonnier, dans un grenier. Il a pillé les « Comptoirs français » car il a ses poches pleines de bonbons, tablettes, vanille… Je fouille les caves.  Les Allemands sont près de nous car il y a encore 6 poulets qu’ils n’ont pas eu le temps de manger dans le four et de la soupe.

- Berry-au-Bac, accueil chaleureux, on nous donne du vin  avec de l’eau et du pain. J’achète 1 l.de vin blanc à 0,70 fr.

- Juvincourt devant nous. Midi, soleil. Un autobus à viande. Tout à coup, criblés d’obus de 77. Lignes de section par 4 à 4 pas. Les obus passent à 20 cm au-dessus de notre section. On se replie. Une section de la 8ème compagnie est la plus malheureuse, 4 tués et de nombreux blessés.  Décidément, les dimanches nous portent malheur .

 

 Occuper Berry-au-Bac, défendre les ponts

Du 14 au 19 septembre

 

148ème régiment d'infanterieDes barricades dans Berry-au-Bac en septembre 1914

 Nous nous replions sur Berry-au-Bac. Défense du bois. Un obus tombe à 1 mètre de moi. Quelle pluie d’obus. L’adjudant est blessé près de moi. Quelle faim. Des camarades mangent une vieille croute noire. Défense du canal, le 148 passe dans la division de réserve. Faim atroce. Les Allemands ont leurs meilleures troupes devant nous . Quelle pluie d’obus.

Faim atroce, les Allemands gaspillent leurs munitions. par rafales, ils nous arrivent jusque 500 obus en 1 heure. Et nous derrière quelques tuiles, sans tranchées. Quelle imprudence, il va arriver malheur. 10 heures du matin, les obus pleuvent. on se cache de son mieux.

 

Le 16 septembre 1914

L’horreur

Un obus bouleverse tout. Je suis entouré de morts. Un shrapnell tue Gobert près de moi. Un deuxième obus bouleverse tout. Je suis couvert de morts, de briques et de tuiles. Je me tâte, je n'ai rien. Je me cache derrière un pan de mur.  Les blessés crient. Stoclet agonise derrière moi, se tord dans les affres de la mort. Le caporal Servais, le caporal Ducoffe  et le soldat  Masson  tués. Le soir Stoclet est mort sur le terrain, Fouquet est mort aussi. Passefort est grièvement blessé.

- La nuit s’est passée à faire des tranchées. Le matin, quelle triste besogne que d’enterrer les morts. Gobert est enterré près d’un ruisseau avec les caporaux Servais et Ducoffe (ainsi que)   les soldats Masson  et  Stocklet.

- Une marmite tombe à 2 m de ma tranchée, m’asphyxiant à moitié.La nuit pluie continuelle. Nous sommes trempés jusqu’au os et j’ai dû coucher dehors. Au matin, on a recouvert nos morts. un obus de 77 est arrivé en plein sur ma tranchée.

- Nommé sergent comme récompense. Nomination pas ratifiée, à la prochaine fois… On erre toute la journée dans les bois de Gernicourt. Extrême fatigue.

De retour à Berry-au-Bac en septembre 1915, J. Degaugue voudrait aller déposer quelques fleurs sur la tombe de son camarade....

Le 14 septembre 1915, j’essaie  d’aller revoir mon infortuné ami Alexandre Gobert. Je fais un bouquet que je ne peux malheureusement pas lui porter ce jour car il y a d’épais réseaux de ronces artificiels et la cote 108 domine tout. Elle est maintenant aux mains des Boches. En quel état doivent-ils être à 5 dans le même trou pour sépulture de fortune.

 

Des jours plus calmes

du 20 au 23 septembre

 La nuit pluie continuelle dans les tranchées. Trempés jusqu’aux os, J’ai dû coucher dehors. Au matin, nous avons recouvert nos morts. Un obus de 77 est arrivé en plein dans ma tranchéeOn erre toute la journée dans les bois de Gernicourt . Extrême fatigue, pas de nouvelles importantes. Repos à Bouffignereux, que de chevaux morts et mourants faute de soins. Les Allemands sont mieux outillés que nous. Nous n’avons pas de mitrailleuses et eux leur artillerie lourde est excellente, surtout leurs marmites (obus de 105). Ils ont de nombreuses munitions.

 

La ferme de Choléra, 

le 25 septembre, que de pertes

la ferme du Cholera, Berry-au-BacJ. Degaugue ne sera pas engagé dans ce combat, le IIème bataillon est en réserve. Il n'est qu'un témoin "éloigné"

  Pontavert, les aéroplanes nous repèrent, marche par sections. Des obus nous fauchent. On protège la retraite des Ier et IIIème bataillons. En plein jour on fait une marche de flanc le long de l’Aisne pour aller à Berry-au-Bac. Nombreux coups de fusils. Des aéroplanes allemands nous repèrent avec des bombes. Où sont nos aéroplanes ; les Allemands sont bien supérieurs .

 

 

Le moral est touché

du 27 septembre au 13 octobre

J. Degaugue, est amer, est-ce la conséquence de l’échec de la veille ? Tous les hommes pensent-ils comme lui ? 

 Bois de Gernicourt. Les Allemands ont préparé la guerre. Ils ont des fusées, des bombes, des grenades, des projecteurs… Et nous ? Pas de nouvelles de mes parents et de la 5ème compagnie. Notre artillerie n’a guère de munitions. Mon cousin du 127ème ri est blessé grièvement d’après ce que j’ai appris. Les 22 (soldats)  qui restaient de la 5ème compagnie reconstituent la compagnie avec des soldats du dépôt. Je regrette d’être caporal d’ordinaire. Cela n’avance pas. La guerre ne sera guère terminée avant mars à août 1915.

Concert à Bouffignereux.. « Honte à qui peut chanter alors que Rome brûle ». Quelle désolation quelle horreur ! Que de morts occasionnés par cette guerre.

ReimsCarte postale ancienne coll. privée

Etant caporal d’ordinaire, je dois aller à Reims faire quelques achats pour la 5ème compagnie qui est au repos à Bouffignereux. En route, je vois descendre un aéroplane allemand à Prouilly. Je remarque la difficulté du terrain avec les plissements de la Champagne. Nombreux coteaux vignobles. Quel spectacle étrange que Reims avec sa vie et les civils. Je bois de la bière si bonne. La ville est endommagée. De nombreux quartiers démolis. La cathédrale a été incendiée. Plus de toit. La tour gauche calcinée. Quel crime barbare. Je visite des caves à champagne.

Je rencontre mon cousin Ernest, (qui est) dragon, son frère est blessé. Je couche à Bouvancourt, c’est la récolte du raisin. Moulin de Bouffignereux. Les Allemands tirent beaucoup le jour.

Gernicourt, village détruit. Le fusil allemand doit être meilleur que le nôtre. Peut-être plus… (ill), il s’emplit moins vite de terre. La culasse est moins compliquée. Le tir est plus rapide grâce au chargeur, la hausse est plus solide. La nuit, le ciel est zébré par de larges lueurs, c’est  le tir de notre artillerie qui doit être supérieure à l’artillerie allemande. Notre artillerie de campagne (nos 75) est nettement supérieure à l’artillerie allemande et le 77. Heureusement, ce canon est capable indéfiniment de lutter contre les mitrailleuses allemandes. Le jour, notre artillerie repère les positions allemandes pour tirer la nuit car nos canons sont immobiles. Certains canons ont pour mission de tirer sur les convois, d’autres sur leur chemin de fer, d’autres sur les batteries ou des tranchées. Les Allemands ont nettement la supériorité sur nous en fait de mitrailleuses et en artillerie lourde. Et le bulletin des armées ? Nous ne le voyons plus, créé pour nous, il arrive bien irrégulièrement, avec retard ou pas du tout. D’ailleurs, il n’y a que des victoires, des futilités ou un calme relatif sur tout le front.

 

du 14 octobre au 24 octobre

Le repos espéré et promis... ne répond pas à ses espérances

Bouvancourt, le villageBouvancourt, le village.

 Repos bien gagné à Bouvancourt. Quel repos dans cette église. Exercice matin et soir agrémenté de revues. Défense de sortir. C’est à peine si l’on a le moyen de se laver la face. Quel exercice, comme à la caserne. Nous persistons dans nos erreurs. Pourquoi  ne veut-on pas admettre que le repos est donné pour se reposer. Si on veut absolument nous empêcher de laver notre linge, qu’on nous livre à des occupations plus utiles comme l‘arrachage des betteraves. Beaucoup de soldats vont à la messe ou au salut. Quelques-uns semblent avoir la foi. D’autres n’ont de préoccupation que de se montrer ostensiblement aux officiers. Pour la plupart, ce n’est qu’un moyen de passer le temps. On s’ennuie beaucoup à la guerre.

J’ai reçu des nouvelles de mes parents via Lille. Comme cela m’a fait plaisir de les savoir vivants et en bonne santé. Si seulement ils étaient rassurés sur mon sort, pauvres parents.

sergent maj DeschinToujours les mêmes tracasseries, brodequins bien graissés, sacs bien noircis et les cuirs astiqués etc…. On va donner la médaille militaire au sergent-major Déchin, depuis sous-lieutenant, qui nous a fait massacrer à Berry-au-Bac, le 17 septembre ! Enfin, nous retournons dans les tranchées. On est libéré du repos. Nous allons à la côte 108 près de Berry-au-Bac, un endroit très dangereux.

photo du sergent-major Dechin

 

 

La côte 108, un endroit dangereux

24 au 27 octobre

cote 108Une tranchée sur la côte 108, dominant le canal de l'Aisne et Berry-au-Bac

- Quelle journée, nous sommes totalement entourés par les allemands,  si peu que l’on fasse dépasser un képi, les balles sifflent »

.- Depuis midi jusqu’au soir, plus de 200 marmites sont lancées sur notre tranchée. Tout s’éboule. J’ai peine à contenir les hommes et notre sous-lieutenant…? (ill) A la tombée de la nuit, je vais trouver le lieutenant. Je suis cahoté à droite à gauche par le déplacement d’air et l’éclatement des obus. Il est égratigné et est allé se faire panser. Pas de chef et les Allemands préparent surement une attaque. Je regarde au-dessus de la tranchée. Les Allemands arrivent à l’assaut. Je donne l’alarme. Hélas les hommes s’enfuient, me bousculent me piétinent. Au dernier obus, les allemands, officiers en tête, sautent dans la tranchée. Grisé, je tire au moins 300 cartouches. Les balles sifflent autour de moi. Le lieutenant Rousseau arrive, il est…( ill.) . Revolver au poing, il force 20 hommes dont 12 n’ont plus de fusil, à reprendre la tranchée à la baïonnette. Le sergent Martinot est tué. Les hommes rentrent.

côte 108La côte 108 âprement disputée par les deux camps

Le soir, il nous font reprendre la position à la baïonnette. L’assaut donné par deux sections éprouvées (40 hommes) soutenue par des feux de salves qui mettent le feu aux cadavres. Fusées, projecteurs, mitrailleuses, bombes, grenades et pluie de balles. Nous allons jusque la tranchée mais pas assez nombreux, nous nous replions, je ramène mon camarade le sergent Cuvelier blessé et je le soigne..

- Depuis trois jours, il tombe de l’eau, je suis transi. J’ai couché une nuit dans l’eau ». «Pour la première fois j’ai vu des minnenwerfer , des mortiers qui lancent des bombes qui oscillent en l’air comme une bouteille et qui font un bruit épouvantable ».

 

A l’infirmerie

du 28 octobre au 13 novembre

J. Degaugue  tombe malade le 28 octobre et renvoyé à l’arrière et plus précisément à l’infirmerie de Bouffignereux afin de recevoir quelques soins. Il ne participera donc pas aux combats sur 108 et Sapigneul entre le 1er et le 15 novembre..

Il tombe malade le 28 octobre et renvoyé à l’arrière et plus précisément à l’infirmerie de Bouffignereux afin de recevoir quelques soins. Il ne participera donc pas aux combats sur 108 et Sapigneul entre le 1er et le 8 novembre. « Le soir je suis évacué sur l’infirmerie de Bouffignereux.  Pour toute nourriture, je n’ai que des boissons chaudes. Personne ne me soigne. Nouveau médecin, Mr Darras s’aperçoit que je suis très gravement malade mais il ne peut me soigner car il n’a rien. La nuit j’ai failli m’étouffer. J’ai passé la nuit assis. L’amygdale gauche est grosse comme le poing. Je ne peux plus ouvrir la bouche.

Le 1er novembre

Beau temps mais combien triste. Les obus tombe Combien de cierges seront brulés l’an prochain loin de ces tombes. Quand il m’arrive de penser à mes camarades de l’active qui  sont disparus, quelle boucherie. Nous restons peut-être 20 à la compagnie. Et je pense à ceux qui sont pourris au champ d’honneur à 108, au Cholera etc…

Je ne peux pas manger, j’ai du mal à avaler des liquides (lait soupe chocolat). L’inquiétude doit régner chez mes parents et chez tout le monde.Le temps est très froid. Que va être l’hiver ? J’ai mal aux pieds. J’ai des durillons aux pieds contractés pendant la retraite. Hélas combien peu seraient capables de .. ? (illisible). Je n’ai plus de nouvelles de mes parents. Que deviennent-ils ? Voilà 47 ans que mon grand-père est mort. il avait fait 7 ans (sous les drapeaux) et la campagne d’Italie (1859) avec blessures. Je suis bien petit à côté de lui. J’écris à mon père pour le 52ème anniversaire de sa naissance. Ironie du sort qui a voulu que dans le même mois naisse mon père et meurt mon grand père. (Le même mois mais pas  la même année). Visite à Roucy. Je dois me reposer. Un camarade meurt inaperçu. Toujours la mort ! Qu’il est doux de pouvoir se laver, nous souffrons de la saleté. Quel plaisir quant on peut trouver un journal qui n’est pas trop vieux. Nous faisons alors comme …(ill).

Sa santé s’étant améliorée, il rentre à la compagnie le 13 novembre.

Je rentre à la compagnie ce soir qui est à Berry-au-Bac. Plus de parties de cartes ou de « Je sais tout » prêté par l’institutrice. Il reprend la vie quotidienne après cette longue absence. Quel changement! Ici  froid intense au Choléra. Comme nourriture, 1 quart de café froid, un morceau de viande roulée, un quart de riz et une demi-boule de pain le matin avant le jour et le soir après le jour et toujours manger froid .

Berry-au Bac un bourg sacrifié.

Berry-au-Bac, bourgCartes postales anciennes et Gallica, le carnet du Général Mangin

J’ai passé hier matin dans Berry-au-bac. Quelle désolation, une ville que j’avais vue si belle, si vivante, si riante n’est plus qu’un morne amas de débris où plane partout la mort. Que vont devenir les habitants de Berry-au-Bac qui est bombardé périodiquement Nous allons chercher des débris pour nous protéger du froid qui est très vif. Les habitants n’auront d’autre ressource que d’aller coucher dans les tranchées. Les Allemands bombardent furieusement les trois ponts dans l’intention de nous couper. Quel temps humide et froid.

La nuit, je dois pendant 6 heures entières aller surveiller des travailleurs. J’ai bien froid aux pieds. Cette nuit j’ai été planter des réseaux de fil de fer. Les Allemands nous ayant entendu frapper sur les pieux ont lancé des fusées et nous ont tiré des balles toute la nuit. J’ai faim, ne mangeant même pas de riz. J’ai froid, j’ai les pieds gelés, très sensibles,  surtout le droit. Nos fusées n’éclairent pas autant que celles de l’ennemi mais durent beaucoup plus longtemps.

 

cuisine du 24ème gallicaLes cuisines du 24ème ri dans Berry-au-Bac, photo tirée de  l'album du Général Mangin,

Campagnes du général Mangin dans la Marne, sur l'Aisne et en Artois, Gallica BNF

Les soldats ramassent tout le bois nécessaire à la cuisson de leur nourriture ainsi que pour leur chauffage. Portes, chassis, armoires, poutres de toiture...

 

Ce soir, on est relevé pour aller au repos. repos bien gagné. La moitié de la compagnie ne peut arriver tant les hommes sont fatigués.

coulandon, usineLa papeterie de Courlandon avant 1914

  Courlandon, petit village (300 lits) près de Fismes avec une papeterie  que je viens de visiter. Concert « Honte à qui peut chanter alors que Rome brûle » ( pensée qu’il attribue à V. Hugo  en réalité A de la Martine) Et les musiciens ne vont pas ramasser les blessés sur le champ de bataille. Je me lave beaucoup, mes camarades sont criblés de poux. Je ne m’étonnerais pas d’en avoir. Sainte Catherine. Je pense à … (Ill.) Nous ne profitons jamais des leçons de la guerre. Au repos, nous partageons notre temps entre les exercices et les revues.

Le fait est courant dans tous les régiments « … À présent nous sommes au repos ; un repos avec des exercices, des marches militaires, et le service intérieur à quoi l'état-major attache tant de prix. » (de « Ceux de 14 » par Maurice Genevoix,

Au repos, nous n’avons pas le temps de nous reposer ni de nous nettoyer, ni d’écrire. La classe 14 est arrivée. On appelle la classe 15 et on parle de la classe 16. Où s’arrêtera-t-on ? Défense de sortir de la ferme. Je peux me procurer des journaux et du vin. Par contre, je n’ai pas assez de pain. Je suis mal vu à la compagnie par le lieutenant Rousseau (un… ill.)  et par le sergent-major Aurac (un bandit) et le fourrier Lamarre (un hypocrite). Froid très vif. On nous promet d’aller à l’exercice à 6 heures du matin. Le commandant de la compagnie veut nous désigner par des matricules comme au bagne. Il promet un os matriculé (OS exercice lourd  comme punition) et 2 heures supplémentaires d’exercices aux malades non exempts de service. Et on parle de l’Allemagne !!

Le lieutenant m’appelle et me promet de me punir, de me casser, et de me faire traduire en conseil de guerre. Je me demande pourquoi.

Régime de faveur. Gradés incapables.

« 8 jours de prison pour affaire de brodequins. C’est ainsi qu’on nous récompense ?

Je pense à mon père, aux amis, au pays. Vie monotone, ennuyeuse, pleine d’ennuis ; C’est du repos »? Mon camarade Rat n’a guère l’air d’être mieux vu que moi de ses chefs à la 2ème compagnie.

lecerf albertLa fiche Mort pour la France

  Lecerf, mon plus grand ami intime m’a écrit le 1er. As-tu peur d’écrire à un mort ? m’a-t-il écrit textuellement. Je lui ai répondu  incessamment. Notre correspondance va reprendre de plus belle.   Albert Lecerf, tué le 12 décembre 1914.

Ils s'étaient connus lors du stage sportif à Joinville en juillet 1914.

Froid . Une bonne femme me fait prendre des bains d’eau chaude pour les pieds gelés. Pendant mon repos, je n’ai pu aller à Fismes qu’une fois, à l’enterrement d’un camarade

Je vis au milieu de la haine de quelques-uns. Et pourtant je sacrifie tout à la patrie. Et mes pauvres parents. Ma punition est terminée. Un jour à Ventelay, je vois le capitaine Remy (mon ancien lieutenant à la caserne) et le capitaine Mathieu (qui m’avait nommé sergent à Berry-au-Bac) Une suprême faveur (qu’ils demandent au colonel) serait de me changer de compagnie. Le colonel refuse.

ventelay 2La situation du 148ème à Ventelay

 

 

C'est le départ vers le front. Le régiment reprend sa place dans le dispositif de première ligne. il est envoyé dans le secteur entre Pontavert et La ferme Choléra, rive droite de l'Aisne. le PC se trouve près de la ferme de la Pêcherie.

 

Tranchées le long de la Pêcherie. Quel confort, table, de la paille, des étagères, une cheminée, une porte. Il est vrai que nous sommes en 3ème ligne. (Une « cagna bien aménagée ou bien est-il dans la ferme ?)

Revue d’armes dans les tranchées. Toujours le même esprit

Je suis nommé caporal fourrier à la 1ère compagnie. Je ne serais pas plus heureux si on me donnait 1000 fr tant je suis quitte de cette maudite  5ème compagnie.

Le lieutenant Remy en 1912lt Remy

Je dois cette faveur aux capitaine Mathieu et Remy, à eux toute ma reconnaissance. Je suis très bien vu à la 1ère compagnie. Les nouvelles fonctions ne sont guère encombrantes.

Les minenwerfers allemands lancent des bombes que l’on voit en l’air se propager par un mouvement de bascule et qui explosent avec un fracas épouvantable. Derrière le Mont Doyen, à égale distance de nos tranchées et du bois Franco-Boche, 2 lignes de tirailleurs comprenant au moins 200 hommes du 110 et du 8ème RI sont couchés dans la plaine depuis le milieu du mois de septembre, fauchés par les mitrailleuses. Les cadavres sentent mauvais. On a voulu aller chercher une jumelle. En soulevant la main de l’un d’eux, le bras s’est détaché. Les cadavres tout équipés sont gonflés et affalés sur le sol. Les mitrailleuses sont des engins que l’on craint le plus.

Je vais planter des réseaux de fils de fer avec un caporal car les hommes ne veulent plus y aller. Les Allemands entendent frapper nous criblent de balles et lancent des fusées. Le capitaine nous ordonne de rentrer mais tout est enfoncé. Ils tirent en se juchant dans les arbres. Un jour le long de la Miette, la rivière monte. Repos à Bouffignereux après avoir fait 12 kilomètres avec un sac énorme sur le dos et être arrivés à minuit, alerte à 1h ½ pour le plaisir du commandant !

25 décembre.

L’après-midi on va à l’exercice, on ne saurait dire que c’est la fête. Marche très pénible par de mauvais chemins. Il gèle. On n’a aucune idée que les hommes sont fatigués. Encore une marche de 27 kilomètres. Les hommes n’en peuvent plus.

Enfin on va pouvoir souffler un peu dans les tranchées de 1ère ligne. On y arrive extrêmement fatigués à 2 heures du matin.

Le 29, je vais volontairement en patrouille. Nous rampons dans la boue, parmi les morts jusqu’au réseau de fils de fer boches. Nous essuyons des coups de feu et de nombreuses fusées. Une patrouille allemande. Je reçois un colis de mon cousin. Cela me fait plaisir de penser qu’on s’intéresse à moi mais étant réfugié, il est dans la misère et il se prive.

J’ai failli être tué d’une balle perdue à 11 heures du soir. Mais je verrai 1915. Alerte, on croit à une attaque. Vive fusillade, nombreuses fusées.

 

 

L'année 1914 se termine. Cinq mois de guerre déjà. Une guerre qui devait "aller vite"....

à suivre

 

 

 

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Pour le 148ème régiment d'infanterie
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