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Pour le 148ème régiment d'infanterie
8 octobre 2020

deux sergents venus du sud...

Antoine  Lovera et Ange Pech, deux sergents venus du Sud  

Note liminaire

Avant 1914, le recrutement du 148ème régiment d’infanterie se fait essentiellement dans les départements des Ardennes et accessoirement dans celui du Nord (particulièrement bureau d’Avesnes). Occasionnellement, on rencontre également quelques conscrits venant du Pas-de-Calais. Ce régiment comme le confirmait le colonel Cadoux est composé majoritairement d’Ardennais. Ce n’est qu’après la déclaration de la guerre, que les autres départements pallieront le manque de recrues venant du Nord et des Ardennes, alors en zone occupée. Comment dès lors, avant 1914,  Antoine Lovera et Ange Pech, le premier des Alpes maritimes, le second de l’Aude, ont-ils débarqué dans un régiment du Nord. Le 148ème ri est caserné à Givet, le casernement le plus proche de la frontière belge.

A l’éclairage des avis de deux spécialistes (1), il résulte que, bien que singuliers, ces deux enrôlements peuvent, sinon s’expliquer, du moins se concevoir. « Le recrutement a cessé d'être local après 1907, il est néanmoins resté fortement régional. Simplement, au lieu d'être affectés au régiment d'infanterie de leur subdivision, les recrues étaient dirigées vers celui d'une autre subdivision de la même région militaire, et de préférence dans un autre département. De plus, des recrues d'une région excédentaire étaient envoyées compléter les effectifs dans les régions déficitaires de l'Est (et du Nord dans le cas qui nous concerne)  où la densité des unités était plus élevée " » explique le premier. Ce que le second résume par « le recrutement "régional" était le plus courant, pas l'obligation universelle ».

(1)  Messieurs B. Sonneck et H. Henry

Deux cas particuliers pour le 148ème ri donc mais pas uniques dans la généralité.

Mais que de changements pour ces deux soldats habitués aux couleurs méditerranéennes qui se retrouvent plongés dans la grisaille du Nord !

 Pech Ange

Ange Pech, Aude (10)Fils de feu Paul et de Bouet Amélie, Pech Ange est né le 20 octobre 1890 à Tourouzelle (Lézignan) département de l’Aude. Il exerce la profession d’instituteur. Bien que soutien de famille, il est quand même appelé et l’administration militaire l’envoie « curieusement »  dans un régiment du Nord de la France, le 148ème ri caserné à Givet. Il y entre, le 11 octobre 1911 comme soldat de seconde classe. Ayant obtenu durant son cursus scolaire, le brevet d’aptitudes militaires, il bénéficie de certains avantages et monte en grade assez rapidement, caporal le 11 février 1912 puis sergent le 5 octobre 1912.  La vie militaire  lui plaît-elle mieux que la vie civile ? Il signe un engagement d’un an à compter du 1er octobre 1913. La guerre le surprendra pendant son engagement.

Ange Pech, Aude (4)

 

 

 

 

 

 

 

 

Ange Pech, Aude (5)

 

 

 

 

En août 1914, il fait partie du IIème bataillon et plus particulièrement de la 5ème compagnie du capitaine Renon. qui du 4 au 8 août, est en position près du pont de Givet et du petit port attenant. Elle n’entre en Belgique que le 9 août et cantonne avec la 8ème à Bouvignes pour la garde du pont et de l’écluse barrage.

Ange Pech, Aude (3)Pech Ange, sergent dans la 5ème compagnie en 1912

Une section de garde à Leffe, sur la rive droite de la Meuse, y aura rapidement un premier contact avec l’ennemi. À partir du 14 août, le IIème bataillon est mis en réserve à Bioul. Le 16, le IIIème bataillon, fort éprouvé par les combats de Dinant, le remplace, l’obligeant a descendre sur le front de la Meuse afin de renforcer les compagnies qui gardent déjà les points stratégiques sur le fleuve.  Joseph Degaugue, instituteur comme Ange Pech et lui aussi de la 5ème compagnie, témoigne 

"Patrouille de nuit et le jour à Hun et à Rouillon. (Bords de Meuse) Le service de garde est fatigant. D’ailleurs d’habitude, on se lève à 2 heures du matin, je passe toute la nuit ». 

Dans la nuit du 22 au 23, le général Mangin qui a un urgent besoin de troupes prélève le IIème bataillon et l’envoie à coup de marches forcées vers Onhaye où les Allemands ayant traversé la Meuse viennent d’investir le village.

"Départ à 2 heures du matin vers Bioul, (Départ de Bioul) On croise le (…Ier?)   corps d’armée. On marche. On voit beaucoup d’automobiles. Après avoir fait 40 kilomètres, on arrive à Anthée. (+/- 22 km en réalité). Le groupement arrive à Anthée, on pense se reposer tant on est fatigués. On continue".

Le colonel se met à la disposition du général Mangin qui va conduire l’assaut pour reprendre le village.

Un baptême du feu pour le bataillon, La première ligne est constituée de la 6ème compagnie du capitaine Didier au Nord de la route et de la 5ème compagnie du capitaine Renon au Sud de la route. À 400 m en arrière, la seconde ligne composée de la 8ème compagnie du capitaine Tréca au Nord de la route derrière la 6ème cie et la 7ème compagnie du capitaine Mathieu au Sud, derrière la 5ème cie.

Les deux compagnies de tête avancent par bonds successifs protégés par les tirs de l’artillerie. Un feu qui doit s’allonger au fur et à mesure de la progression de la 1ère ligne.  « Un feu infernal (qui) électrise les hommes qui progressent trop rapidement", se rapprochant même dangereusement de la ligne de feu de leur artillerie. Les avant-gardes marquent un léger arrêt, le temps pour les artilleurs d’allonger leur tir.  

Un combat meurtrier, les pertes sont énormes. http://148emeri.canalblog.com/archives/2019/02/16/37092437.html

: « On se forme en ligne de sections. Déploiement en tirailleurs. Bonds pendant 1300 m environ. Quelle course. Un sous-officier est devenu fou. Quelques tirailleurs tués côté à côté. Un tué avec son sac pour abri. Baptême du feu. Cela ne me fait rien. Les balles sifflent mais trop haut. Il est nuit  car on a commencé vers 7 heures. Le village d’Onhaye est en feu. On ne voit pas (les) Allemands. (Les) mitrailleuses fauchent, (les) 75 nous protège". "Inconscience sous les balles, (on) charge la baïonnette au canon. (on est) écrasé par les mitrailleuses allemandes, au moins un bataillon".

Mais c’est une victoire ! Une victoire malheureusement coûteuse en vies humaines, de plus une victoire inexploitée !

Car le lendemain, c’est la retraite.

Une retraite difficile, le bataillon talonné par l’ennemi sert d’arrière garde pour le flanc droit de la Vème armée.

La nuit du 26 au 27, un bref repos à Rocroi où le régiment se reforme et reprend sa retraite vers la Marne.

Le 1er septembre, c’est le combat de Coucy-le-Château. Un terrible revers pour le 148ème ri. Le régiment rompt le combat dans un grand chaos. Six compagnies ne rejoignent pas Anizy, le lieu de rassemblement fixé par le colonel Cadoux. Plus de 1200 disparus !  Parmi elles, la 5ème compagnie. Le capitaine Renon tente de rejoindre et pendant une douzaine de jours, il va se faufiler, se cachant le jour, marchant la nuit, dans une région occupée par de nombreuses troupes allemandes. Il parvient, malgré la faim, la fatigue et l’angoisse d’être découvert, à rejoindre l’Argonne là où il pense rentrer dans les lignes françaises.

Ange Pech, Aude (7)Les ruines de la ferme de la Chapelle

Les hommes sont éreintés. Un repos s’impose. La ferme de la Chapelle à Servon-Melzicourt semble convenir. La troupe s’y installe et prend un peu de repos. « On entend le canon » les lignes françaises sont à deux ou trois heures au Sud ! Et l’ennemi retraite ! Hélas, pendant son repli, une troupe allemande remarque la présence des pantalons rouges. C’est le combat « Immédiatement une lutte acharnée commence car les courageux soldats ne veulent pas se rendre. Ils sortent de leur cachette enfouis dans le foin et, sac au dos, avec seulement leurs munitions individuelles, se défendent avec acharnement. Les Allemands se ruent avec fureur à l’assaut. C’est une véritable tuerie »raconte un soldat témoin de l’échauffourée et lors d’une sortie aux côtés du capitaine Renon, le sergent Ange Pech est fauché par les tirs ennemis.

http://148emeri.canalblog.com/archives/2020/05/10/38277409.html

Un secours de 200 fr est versé en 1919 à Mme veuve Pech Bouet, sa mère. Son corps sera restitué à sa famille dans le cimetière de Lézignan.

Ange Pech, Aude (11)Sa fiche Mort pour la France et l'avis nécrologique dans le journal local

Ange Pech, Aude (6)

 

 

 

 

 

 

sa citation dans le journal officiel

Ange Pech, Aude (1)

 

 

 

 

Ange Pech, Aude (9)Le monument aux morts de Lézignan

le monument, la plaque commémorative avec tous les noms des victimes de la Grande Guerre, la photo d'Ange Pech

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le village d'Onhaye, le baptême du feu pour ces deux hommes.

Malheureusement mortel pour Antoine Lovera

 Le village qu'il fallait reprendre...

Onhaye village

 

 

 

 

 

 

avant de s'élancer à la poursuites des fuyards. Derrière l'horizon, la vallée de la Meuse

Onhaye vue Lenne

 

 

 

 

 

 

Antoine Lovera

Fils de Jean-Baptiste et de Draperi Magdeleine, Antoine est né le 23 décembre 1892 à Vallauris, dans le département des Alpes maritimes. Il exerçait la profession d’employé de commerce, vendeur, lorsqu’il s’engage, signant, le 5 août 1913, un engagement pour une durée de 3 ans, L’administration militaire l’envoie « curieusement »  dans un régiment du Nord de la France, le 148ème ri caserné à Givet. Soldat de 2ème classe le 8 août 1913, il est nommé caporal le 14 octobre de la même année et sergent le 31 juillet 1914.

Ne connaissant pas sa compagnie (toutefois, ce ne peut être que la 6ème voire la 5ème compagnie),  il faudra se contenter du parcours du IIème bataillon pour approcher son vécu au régiment.

En août 1914, il fait partie du IIème bataillon. Un bataillon qui, du 4 au 8 août, est toujours en France où il surveille les différents points de passage sur la Meuse de Givet à Haybes. Il n’entre en Belgique que le 9 août et cantonne à Dinant-Bouvignes. À partir du 14 août, le IIème bataillon est mis en réserve à Bioul. Le 16, le IIIème bataillon, fort éprouvé par les combats de Dinant, le remplace et le l’obligeant à descendre sur le front de la Meuse afin de renforcer les compagnies qui gardent déjà les points stratégiques sur le fleuve. 

Quelques traces du IIème bataillon entre le 15 et le 23 août 1914

La Meuse, le 16Le 16 août

 

 

 

la Meuse, le 18Le 18 août

 

 

 

lLa Meuse, le 19Le 19 août

 

 

 

 

 

la Meuse, le 22le 22 août

 

 

 

 

Joseph Degaugue, instituteur et faisant partie de la 5ème compagnie, témoigne 

"Patrouille de nuit et le jour à Hun et à Rouillon. (Bords de Meuse) Le service de garde est fatigant. D’ailleurs d’habitude, on se lève à 2 heures du matin, je passe toute la nuit ». 

Dans la nuit du 22 au 23, le général Mangin qui a un urgent besoin  de troupes prélève le IIème bataillon et l’envoie à coup de marches forcées vers Onhaye où les Allemands ayant traversé la Meuse viennent d’investir le village.

Départ à 2 heures du matin vers Bioul, (Départ de Bioul) On croise le (…Ier?)   corps d’armée. On marche. On voit beaucoup d’automobiles. Après avoir fait 40 kilomètres, on arrive à Anthée. (+/- 22 km en réalité). Le groupement arrive à Anthée, on pense se reposer tant on est fatigués. On continue".

Le colonel se met à la disposition du général Mangin qui va conduire l’assaut pour reprendre le village.

Un baptême du feu pour le bataillon. Une première ligne constituée de la 6ème compagnie du capitaine Didier au Nord de la route, la 5ème compagnie du capitaine Renon au Sud de la route. À 400 m en arrière, la seconde ligne composée de la 8ème compagnie du capitaine Tréca au Nord de la route et la 7ème compagnie du capitaine Mathieu au Sud.

Les deux compagnies de tête avancent par bonds successifs protégés par les tirs de l’artillerie. Un feu qui doit s’allonger au fur et à mesure de la progression de la 1ère ligne.  « Un feu infernal (qui) électrise les hommes qui progressent trop rapidement", se rapprochant même dangereusement de la ligne de feu de leur artillerie. Les avant-gardes marquent un léger arrêt, le temps pour les artilleurs d’allonger leur tir.  

Un combat meurtrier, les pertes sont énormes. http://148emeri.canalblog.com/archives/2019/02/16/37092437.html

: « On se forme en ligne de sections. Déploiement en tirailleurs. Bonds pendant 1300 m environ. Quelle course. Un sous-officier est devenu fou. Quelques tirailleurs tués côté à côté. Un tué avec son sac pour abri. Baptême du feu. Cela ne me fait rien. Les balles sifflent mais trop haut. Il est nuit  car on a commencé vers 7 heures. Le village d’Onhaye est en feu. On ne voit pas (les) Allemands. (Les) mitrailleuses fauchent, (les) 75 nous protège". "Inconscience sous les balles, (on) charge la baïonnette au canon. (on est) écrasé par les mitrailleuses allemandes, au moins un bataillon".

0 liste1aUn extrait des listes des militaires français enterrés au cimetière militaire

Le sergent Lovera, est considéré disparu, présumé tué, pendant ce combat. Son corps sera retrouvé et identifié par les villageois. Il sera inhumé dans le cimetière militaire d’Onhaye, tombe 152. Un jugement déclaratif du tribunal de Grasse, rendu le 18 octobre 1920, fixera son décès au 23 août. Un secours de 200 fr est payé le 7septembre 1916 à son père.

le cimetière d'Onhaye

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qu'il reste de l'ancien cimetière militaire franco-allemand. Une partie des soldats français a été transférée à la nécropole de Dinant. les autres auraient été rapatriés en France

lovera aSa sépulture à Dinant et le monument aux morts de Vallauris et la plaque commémorative

mam3

Selon un site généalogique, Antoine aurait eu un frère François, lui aussi tué lors du conflit. Les deux noms figurent sur le monument aux morts ainsi que sur la plaque.

lovera mplF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A. Lovera a été, un temps,  considéré comme disparu et encore sur la plaque commémorative de Vallauris, il est renseigné comme tel.

Il repose néanmoins dans la nécropole de Dinant.

Son dossier matricule aux archives départementales des Alples martimes

vallauris 2Son signalement familial et physique ainsi que sa carrière militaire

Vallauris, 1

 

 

 

onhaye le 23 août

 

Sources

Outre les avis de Messieurs B. Sonneck et H. Henry

Mémoire des Hommes,

-fiches MPLF

-Jmo du 148ème ri

AE, Notes du colonel Cadoux

Gallica, Journal officiel, citations

AD Matricules, Alpes maritimes (Lovera A.) et Aude (Pech A.)

Journal Vers  L'avenir, 1920

Photos du 148ème ri.

Photo de Lézignan Monsieur Boisson, président du Souvenir français, merci

L'extrait nécrologique, collection de M. Fr. Pech, merci

Photos personnelles Vallauris, Dinant et Onhaye et carte postale (coll. pers.)

 

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