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Pour le 148ème régiment d'infanterie
8 janvier 2020

Deux frères, deux destins, Oscar et Désiré Deneubourg

Deneubourg Oscar

Deux frères à la guerre

A la 6ème cie en 1912Issus d’une fratrie de 4 enfants (deux filles et deux garçons), Oscar, classe 1910, et Désiré, classe 1909, ont fait leur service militaire au 148ème régiment d’infanterie cantonné à Givet. Hasard ou volonté de l’administration militaire, ils font partie de la même compagnie, la 6ème compagnie.

Désiré debout, Oscar, assis

 

Fils de Joseph et de Luce Maîtrepierre

les deux frères au 148ème ri

Les deux frères en 1912, à gauche, Désiré, à droite Oscar

L’aîné, Désiré, né le 4 juin 1889 à Maubeuge, exerce la profession de tourneur sur fer. Il incorpore le 148ème, le 10 octobre 1910 et, soldat de deuxième classe, il passera dans la disponibilité le 27 septembre 1912 nanti d’un certificat de bonne conduite.

A l'exercice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

signalement DésiréLe signalement de Désiré, à gauche, d'Oscar à droite.

signalement Oscar

 

 

 

 

 

 

 

 A peine entré sous les drapeaux, Désiré écrit, le 21 novembre, à ses parents. La prochaine permission est encore longue à venir, ce sera peut-être  « à la Noel au nouvel an ? » et d’expliquer encore que  « la neige a commencé à tomber et que l’  on n’avait pas chaud durant les marches ». Il parle également du jeu de crosse, un sport pratiqué de part et d’autre de la frontière franco-belge.

Lettre 1"Chers Parents.... votre fils Désiré qui vous aime"

lettre 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

oscar tourneur

Oscar devant son tour

.Le cadet, Oscar, né le 12 août 1890, est également tourneur sur fer. Il incorpore le 148ème le 10 octobre 1911 et, soldat de deuxième classe, il passe dans la disponibilité le 8 novembre 1913, un certificat de bonne conduite lui sera également accordé.

desiréDésiré à gauche, Oscar à droite

oscar 2Donc durant la période allant du 10 octobre 1911 au 27 septembre 1912, ils se côtoieront, apprenant ensemble le métier de soldat.

La mobilisation.

La mobilisation est décrétée et le 2 août c’est Oscar qui rejoint Givet, son frère arrivera le lendemain, le 3 août.Au mois d’août 1914, l’encadrement de la compagnie a totalement changé. La 6ème compagnie est alors commandée par  le capitaine Didier, secondé par le lieutenant Legrand et les sous-lieutenants Bernardin (de réserve), Voiry et Gaucher (fraîchement sorti de Saint-Cyr). La 6ème compagnie fait partie du IIème bataillon aux ordres du commandant Graussaud.

 

Haut-le-WastiaL'avance du IIème bataillon entre le 3 et le 23 août 1914.

  Du 3 au 8 août, la 6ème compagnie prend position au pont de Givet et dans les faubourgs de Petit Givet.

Le 9 août, elle quitte Givet par train pour Dinant avec la mission de protéger le pont avec la section mitrailleuses du IIème bataillon commandée par le lieutenant Arthaud.

Le 14 août la compagnie quitte Dinant et avec tout le IIème bataillon gagne Bioul pour se mettre en réserve « de manœuvres » du régiment. L’itinéraire emprunté passe par  Bouvignes, Sommière, Haut-le-Wastia, Warnant et Bioul (ferme du Rouchat).

00 le rouchat1La ferme du Rouchat à Bioul

 

16 août , la 6ème reste à Bioul et, avec la compagnie « hors-rang », assure la protection du colonel Cadoux et de l’Etat-major du régiment

17 août, l’Etat-Major quitte Bioul pour s’installer à Annevoie (dans le château), la 6ème compagnie accompagne le mouvement. Elle est immédiatement relevée par la 4ème cie et va s’installer à Rivière-Burnot, plus précisément « entre Rivière et Godinne, à hauteur des îles, à la lisière des bois de la chapelle Saint-Hubert ».

Annevoie Rouillon (2)Des soldats du 148ème ri de garde à Annevoie

 

21 août, elle fait mouvement vers le Pont de Lustin. Le pont saute le 22 dans l’après-midi

Le 23 août, ordre du général Mangin. Toutes les compagnies du IIème bataillon, commandant Graussaud,  doivent se rassembler à Bioul. Quel itinéraire pour la 6ème compagnie installée au pont de Lustin?  Soit par Annevoie soit par Arbre. On peut penser que l’itinéraire Pont de Lustin-Arbre-Bioul, ayant été reconnu par le régiment, ait été emprunté par les compagnies situées au pont,  les autres, plus proches d’Annevoie seraient remontées par la route Rouillon-Bioul.

Onhaye, le baptême du feu pour le IIème bataillon.

Onhaye village

 

Le village

 

 

 

Onhaye, introVoir les pages consacrées à ce combat.

Et quel baptême du feu ! Commandé par le général Mangin en personne, les fantassins, après une marche de 25 km, sans repos, se lancent à l’assaut du village tombé entre les mains des Allemands. Ce sera une victoire coûteuse en vie humaines, une victoire non exploitée malgré l’insistance du général Mangin.

La 6ème cie est en première ligne (avec la 5ème cie) et subit le feu ennemi. Le choc est terrible. Les pertes sont énormes, pour la compagnie, le capitaine et les lieutenants sont tués avec le chef de bataillon. Du cadre de la compagnie, il ne reste que les deux sous-lieutenants Bernardin et Gaucher ! voir. Que dire des pertes parmi la troupe?

La nuit, alors que le combat reprend vigueur,  la confusion est totale, le 148ème subit un feu fratricide (le 45ème ri tire sur la vague d’assaut). Malgré la reprise en mains de la troupe par les officiers et sous-officiers, nombre de soldats se sont égarés. Isolés et ayant perdu le contact avec le régiment, certains tentent en vain de rejoindre leurs lignes. Joseph Degaugue est présent dans la 5ème compagnie, celle qui partage la première ligne d’assaut avec la 6ème compagnie, il raconte : « sous le feu du 45ème ri, retraite vers l’église, ne vois plus le 148ème, vais rassembler tout ce qui reste à Anthée…. reviens à Onhaye". De plus, le lieutenant Legrand voulant « venger la mort de son camarade Woiry » se lance « en flèche", trop loin de la ligne de feu ». Il tombe à son tour, « mortellement blessé ». (Le groupe était proche du village d’Hastière ! Hastière-Givet quelques kilomètres) ! Que devient sa section sans son chef? À 1 heure du matin bataille terminée, à 2 heures départ » ! Oscar Deneubourg se serait-il, à l'instar d'autres de sa compagnie ne pouvant rejoindre leurs lignes,  diriger vers Givet, proche de quelques kilomètres, sa ville de garnison ? On peut le penser car on retrouve d’autres de la 6ème compagnie également à Givet dont Duty Alphonse, Damien Victor et Maréchal René…

 A Givet, le fort de Charlemont et la ville tombent après un siège de deux jours. Le 31 août, selon les chiffres allemands, 40 officiers, 2910 hommes sont faits prisonniers par les régiments de la 24ème division d’infanterie de réserve du général von Ehrental.

AD nord Avesnes, 1910, 1170 Oscar prisonnier,suite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sa fiche matricule (extrait) dans les AD 59, bureau d'Avesnes.

000 Oscar, camp de Zossem (2)Sa fiche de prisonnier

Oscar est emmené sur le chemin de l’exil. 5 années de captivité ! La colonne de prisonniers quitte Givet le 1er septembre et après une marche le long de la Meuse, les hommes sont dirigés vers Dinant, où ils passent leur première nuit de captivié. Puis ils prendront la direction de  Pessoux où ils coucheront hors du village. Le 3, départ en direvction de Melreux où les attendent des trains qui les conduiront vers l’Allemagne.  Dans un premier temps, il est interné, avec ses frères d’armes du 148ème pris à Givet,  au camp de Zossen, proche de Berlin. Puis il sera dirigé, toujours accompagné de plusieurs du 148è, vers le camp de Zwickau.

 

 

 

Deneubourg oscar ZwickauCamp de Zwickau, liste dressée le 26 juin 1915

oscard pris

 

 

oscar 1916Oscar en 1916 et en 1917

oscar 1917 1"Avec mes camarades russes..."

Zwickau (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Zwickau (2)Un courrier envoyé à sa soeur, le 1er février 1916

oscar 3"Pas de nouvelles de Désiré que sa disparition depuis le 15 juin"? Il s'inquiète au sujet de son frère. Son frère a disparu lors des combats de Quennièvres.

Dans le camp de Zwickau, il n'est pas le seul du 148ème RI. Il y retrouve une vingtaine du régiment.

Parmi eux...

 

 A Zossem, le premier camp, près de Berlin, en novembre 1914, avec d'autres du 148ème ri.

000 Oscar, camp de Zossem (1)

 

en 1916 camp de Zwickau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et à Zwickau, le second camp, Marcel Combray qui a gardé son uniforme du 148ème ri.

ph ainsi qu' Alfred Vantielke, un employé de commerce de Calais et Fernand Leveau, un cultivateur d’Avesnes. Deux copains de régiments.

 (nous en reparlerons)

Oscar Deneubourg ne sera rapatrié que le 8 janvier 1919

 

 

 

 

Deneubourg Désiré

Pour le crayon généalogique de Désiré voir précédemment

AD nord Avesnes, 1909, 1364La fiche matricule de Désiré, AD Nord, Avesne

AD nord Avesnes, 1909, 1364, suite

 

 

 

 

desiré 2 Après un bref repos, le bataillon quitte Onhaye. Désiré doit certainement se préoccuper du sort son frère. Il garde immanquablement l’espoir de le voir « rentrer » dans quelques jours. Espoir vain ! Le régiment se regroupe à Rocroi et la retraite vers la Marne commence, des marches entrecoupées de violents combats.

Désiré et ses frères d’armes vont vivre des moments difficiles.

Septembre 1914, C’est le premier combat sur la terre de France. Coucy-le-Château. Un bataillon qui n'a pu décroché à temps, reste derrière les lignes. La 6ème compagnie en fait partie. Après bien des détours pour échapper à l’étreinte de l’ennemi, une partie rentre dans les lignes, mais beaucoup seront capturés à Cernay-en-Dormois, une vingtaine seront tués ou capturés à Servon-Melzicourt.

Désiré est parmi les rescapés.

Quelques jours plus tard,, Berry-au-Bac, le 148ème reprend le village déjà investi par les Allemands. De nouveau de lourdes pertes.

Octobre- Novembre, ce sont les tranchées le long du canal, à la côte 108 et à la ferme « Choléra ». Un témoin raconte :

« Les obus pleuvent sans arrêter, on se cache de son mieux, un shrapnell tue Gobert près de moi, un obus bouleverse tout, je suis couvert de briques, de tuiles. Blessé, Stockelet agonise derrière moi, il se tord dans les affres de la mort. Blessé devant moi, Lefebvre se plaint. Caporal Ducoffe, caporal Servais, Masson sont tués. le soir Stockelet est mort sur le terrain, Pou..( ?) est mort »

1915. Toujours là! alors que tout le monde croyait en août 14 que ce serait l’affaire de quelques semaines ! Un premier passage de l’an sans la famille ! Un premier  hiver rude et pluvieux, les tranchées sont inondées.

Février 1915, ce sont de nouveaux combats  à la ferme du Luxembourg,

WW1 Luxembourg houseLa ferme du Luxembourg

  « Les gros noirs s’écrasent. Une mitrailleuse qu’on n’a pu repérer crache sans discontinuer sur nous. Nous sommes à la route 44. Les 210 fusants  éclatent au-dessus de nous. Je compte presque 8 gros noirs qui éclatent en même temps sans tous les 77. Ils éclatent 50 mètres trop court. Nos mitrailleuses essaient vainement de mettre en batterie. Je reste calme au milieu de tout cela. Les soldats reviennent hébétés, abrutis sous la commotion cérébrale produite par les éclatements de si gros obus. On passe à droite du ruisseau du Luxembourg, on traverse la ferme, on enjambe plusieurs arbres abattus par les obus. Maintenant c’est une véritable marche funèbre dans le calme de la nuit. De nombreux blessés râlent, hurlent, geignent, se lamentent, pleurent, implorent du secours. Je suis resté calme, enthousiasmé le jour. Le spectacle me fend le cœur et m’impressionne. Il faut bien faire attention pour ne pas marcher sur les morts. Il y a plus de deux mille hommes étendus dans la plaine. Beaucoup se débattent dans les affres de la mort. A quoi servent toutes ces tueries pour n’avancer que de 400 mètres » explique encore notre témoin.

Mars, (le 7)  Désiré est nommé soldat de première classe. Une reconnaissance de son attitude au feu.

Avril. Même alors qu'ils sont en "repos", les hommes sont confrontés à l'horreur de la guerre. « Devant nous entre les lignes, il y a des morts de l’attaque du 16 février, …, on reconnaît les morts de septembre (1914) de ceux de février (1915) car les premiers ont un pantalon rouge, tandis que les autres ont un pantalon bleu de toile et la couverture en fer à cheval sur le sac » explique encore J. Degaugue.

Juin, ce sera le plateau de Quennevières. Les combats sont décrits par notre témoin, une relation qui glace le sang. Désiré fait partie de la vague d’assaut ! Un assaut lancé malgré l’échec de la préparation d’artillerie.

Le JMO du régiment explique le combat... Quelques extraits

1

mauvaise préparation de l'artillerie et malgré cela....

 

 

2

Les 5ème et 6ème compagnies ont fait preuve d'un acharnement extraordinaire

 

 

3

Sont arrêtées par le feu des mitrailleuses

 

 

 

 

 

 

« Les Boches, écrit-il, avaient caché des réseaux de fils de fer à 10 cm de haut dans les herbes. Nos hommes tombent dans ces lacets. Des soldats boches au-dessus et derrière la tranchée et derrière le parapet les achèvent à coups de grenades ».

bibLes nombreux corps jonchent la plaine

  Nous nous rappellerons de notre passage sur le plateau de Quennevières, du Moulin-sous-Touvent, d’Hébuterne et de Tracy-le-Mont. Notre régiment a perdu beaucoup de monde. Nous y avons perdu 800 hommes. C’est surtout le 2ème  bataillon (les 5,6, 7 et 8èmes compagnies) qui a perdu le plus d’hommes. Désiré est parmi les victimes, considéré, lors de l’appel après le combat, comme disparu.

Deneubourg Désiré disp 16 juin 1915

 

 

 

 

 

 

Désiré, repris dans la rubrique "DISPARUS"

 

 

 

cicr 1Enquête terminée, DISPARU

 

La famille, sans nouvelle de lui, quémande des informations à la Croix-Rouge. Une recherche est lancée dans les camps de prisonniers. Aucun Deneubourg Désiré n’est trouvé. La réponse est sans appel. « Recherche terminée et communiquée à la famille ». La famille doit se rendre à l’évidence, Désiré est mort mais on n’a pas retrouvé son corps ! Quand on lit les récits de ce combat, on peut comprendre que certains corps n’aient jamais été retrouvés. Son frère Oscar  partage cette inquiétude depuis son camp de Wickau. Attendre !

MDHHélas, le 21 juillet 1919, l’Etat français paie un secours de 150 francs à la famille, le prix payé pour avoir donné sa vie à la patrie ! Il faut se rendre à l’évidence. Désiré est mort «  par suite d’un fait de guerre, Mort pour la France, le 16 juin 1915 à Quennevières ».

Pour un disparu, il faut un jugement d’un tribunal pour fixer une date de décès.

Le 30 novembre 1920, le tribunal d’Avesnes confirme le décès du soldat Désiré Deneubourg et l’acte de décès sera retranscris dans les registre de la ville de Maubeuge le 20 janvier 1921.

Dans la famille, la douleur est vive. Selon un descendant, le papa de Désiré se laisse mourir de chagrin et la maman gardera toujours l’espoir de le revoir revenir un jour ! Jusqu’en 1930, l’espoir la soutiendra. Hélas !

 

 

 

 

acte de décès 2Des actes officiels qui scellent le destin du soldat.

acte de décès régimentaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

diplome

 

 

Sur son Hommage de la Nation, deux médailles, la médaille du combattant et la Croix de guerre avec une citation au régiment.

 

 sources

Photos et documents  de la famille d'Oscar et Désiré Deneubourg. Merci à M. Avart, un petit-neveu,  de m'avoir permis de m'en servir pour illustrer ce texte.

AD du Nord, les fiches matricules

Mémoire des Hommes, fiches des décès et JMO du 148ème ri

Archives du Comité internatrional de la Croix-Rouge, Genève

Photos personnelles

Photo de la ferme du Luxembourg de M. K. Brooker

 

 

 

 

 

 

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