De Rocroi à Coucy-le-Château
De Rocroi à Coucy-le château
Le 26 Août, 8 heures du matin ; Après une brève nuit de récupération (les derniers éléments ne sont rentrés à Rocroi que vers 01h30), le régiment quitte la ville et, par étapes, retraite vers la Marne. Un départ précipité car « les allemands nous suivent à 2 heures, nous sommes talonnés » explique J. Degaugue. Un chemin parsemé d’embûches et de dangers , des marches rendues plus pénibles encore par l’encombrement des routes par les réfugiés. « Les habitants fuient avec leurs enfants. Quelle misère de voir ces gens à peine vêtus. Le soir, le ciel est embrasé. Les villages derrière nous brûlent » reprend le soldat.
Foulzy, Brunehamel, Montcornet, Marle, à chaque étape, il faut établir des avant-postes pour « se couvrir face au Nord ».
A chaque étape, il faut prendre des dispositions afin de se couvrir face au Nord.
La 5ème compagnie du capitane Renon assure la garde à Foulzy.
Cette fois c'est le 1er bataillon qui établit une ligne de résistance
Durant ces journées de marches, les fortes chaleurs handicapent également les soldats. « Les gens nous donnent de l’eau »
A Brunehamel, le colonel Cadoux apporte quelques modifications dans les cadres du régiment. Suite à la disparition du commandant Graussaud, (2ème bataillon) tué à Onhaye, le 23 août, il nomme le capitaine Delahaye à ce poste. A. Bertrand, commandant le 3ème bataillon, absent momentanément (malade), est remplacé, le temps de sa convalescence par le capitaine Roques.
« À cette date, le capitaine Roques (11ème cie), prend le commandement du 3ème bataillon en remplacement du commandant Bertrand. Il reçoit une lettre de commandement du général Lanrezac, commandant la Vème armée, le capitaine Delahaye (1ère cie) prend le commandement du IIème bataillon en remplacement du commandant Graussaud disparu à Onhaye. Le Lieutenant Thanneur (1ère cie) prend le commandement de "sa" compagnie (en lieu et place du capitaine Delahaye), le lieutenant Coste (3ème cie) prend le commandement de la 11ème compagnie du capitaine Roques ». Le JMO ne précise pas les autres changements. Il faut cependant encore remplacer le capitaine Didier et les Lieutenants Legrand et Woiry eux aussi tués à Onhaye.
A Marle, les hommes entendent le bruit du canon, c’est la bataille de Guise qui se déroule à quelques kilomètres de là. La retraite se précipite. Le régiment reçoit l’ordre de se rendre à Faucouzy pour embarquer à bord d’un train qui, via Laon, les déposera à la gare de Versigny. Quelques heures en train, un peu de repos pour les hommes.
14 heures, début de l’embarquement. Les bataillons sont embarqués dans l’ordre suivant, 3ème, 2ème et 1er bataillons, (un train par bataillon). Embarquement des hommes et des chevaux des officiers. Le charroi du train de combat et du train de ravitaillement fera mouvement « par voie de terre ». Le premier train arriva à Versigny à 17 heures 45. Les deux autres trains avec les deux bataillons n’arriveront qu’à 19h30 et 20 heures. A peine débarquée, le temps de remettre le régiment en ordre de marche, la troupe, par une marche de nuit (de 23 heures à 04 h du matin), gagne ses nouvelles positions sur l’Oise :
La Fère.
Un des ponts sur l'Oise de La Fère
Le 2ème bataillon du commandant Delahaye organise la défense des ponts de La Fère tandis que le 3ème bataillon du commandant Roques occupe les abattoirs et l’arsenal. Le 1 er bataillon cantonne hors de la ville à Travecy.
Le commandant Vannière commandant le 1er bataillon. Cet officier, en qui Cadoux a toute confiance « marche » souvent seul. C’est d’ailleurs lui qui, suite au départ de Cadoux, prendra le commandement du régiment avant d’être nommé colonel au 329ème ri.
L'arsenal et l'abattoir à La Fère, occupés par deux des bataillons
30 août.
Le grand bouleversement. Le général Mangin est appelé à d’autres fonctions et sa brigade est dissoute. Informé de sa nomination au commandement de la 5ème DI. , il assiste à la dissolution de sa (8ème) brigade. Il laisse au colonel Cadoux la mission d’assurer la défense de l’Oise de la Fère à Chauny avec son régiment : « d’interdire tout débouché du côté de La Fère et d’intervenir par le feu si… ». Le 148ème ri passe alors sous le commandement de la GDR..
Le 148ème ri, le seul régiment d’active dans des régiments de réserve s’étonne Cadoux.
La situationévolue défavorablement pour la Vème armée:
Le 18ème corps est malmené. Le 148ème ri doit assurer la sécurité du flanc gauche de l'armée.
Après un léger glissement, la situation évolue vers :
1er bataillon se porte vers Amigny-Rouy pour tenir les passages de l’Oise et du canal de Crozot de Chauny à Coudren
le 3ème bataillon, sur la rive droite de l’Oise de Tergnier à Travecy par Quessy et le fort de Liez
Le 2ème bataillon, maintenu en réserve à la Fère, y garde les ponts et les alentours de la ville.
Les communications entre le régiment et l’état-major de la division se font par l’intermédiaire d’un officier de liaison, le lieutenant de Malherbes. Une communication fragile car elle ne repose que sur un seul homme.
La situation difficile du régiment. Extrait de son livre
Ordres et contre ordres perturbent la mission du régiment. Le colonel s’en plaint. Les hommes semblent s’en rendre compte : « on ne sait que faire, on a l’air désorienté » souligne J. Degaugue. Et de fait, le colonel n’envisage pas d’un bon œil la nouvelle mutation du 148ème.
La suite des événements va concrétiser ses craintes.
1 Cadoux et ses 2ème et 3ème bataillon marchent vers Septvaux.
2 le 1er bataillon devait également se rendre dans ce bourg mais il sera détourné de son objectif premier. Il se rend à Coucy-le-Château, au Sud-Ouest de Septvaux
Ayant reçu l’ordre de cantonner à Septvaux, Cadoux quitte La Fère et donne les ordres de repliement à ses trois bataillons
Les 2ème et 3ème bataillons marcheront avec lui en direction de cette étape, le 1er bataillon du commandant Vannières, rôdé à marcher seul, précède le gros du régiment. Arrivé à Septvaux, après une marche rendue difficile par l’encombrement des routes, des troupes en retraite, le colonel s’étonne de ne pas y retrouver son 1er bataillon. « À 22 heures, le colonel voulant établir le contact avec ses avant-postes de Septvaux et ceux de la ferme Buin où il supposait le 1er bataillon, apprend que ce bataillon est à Coucy… » lit-on dans le Jmo
Et de fait, pendant sa marche, le commandant Vannière, prévenu d’un changement d’orientation par le lieutenant de Malherbes, s’est rendu immédiatement à Coucy-le-Château « avec mission d’y prendre des avant-postes pour garder les voies de communication venant du Sud et de l’Ouest et de détacher des postes de surveillance sur celles venant du Nord ». Ce changement n’a pas été transmis au reste du régiment. Et pour cause, le lieutenant vient d’être tué dans les environs de Coucy.
Lieutenant Fr. de Malherbe, Photo B. Baverel, Memorial Genweb.
Le Lieutenant de MALHERBE est tué par un poste allemand entre Quincy et Coucy à Loeuilly (Canal de l'Aisne) au moment où, croyant parler à un poste français il descendait d'auto" Officier d'une haute valeur morale. A fait preuve dans ses fonctions d'Officier d’État-major de brillantes qualités militaires: dévouement, énergie, confiance. A trouvé une mort glorieuse en exécutant une mission périlleuse devant Coucy-le-Château"
Cadoux et ses troupes passent donc la nuit à Septvaux. Un temps mis à profit par le colonel pour reprendre contact avec son état-major divisionnaire. En vain, la division a levé le camp sans le prévenir! « Me voilà donc dans un isolement absolu, dans une ignorance totale des dispositions prises » écrira-t-il dans ses notes. Cette situation l’oblige à prendre des initiatives. Il décide de rejoindre Coucy-le-Château pour y récupérer son 1erbataillon et poursuivre sa route vers Soissons et Château-Thierry, là où il pense retrouver sa division.
Coucy-le-Château, le 31 août, l’après-midi,
« L’ennemi est présent dans les alentours. « des partis ennemis assez nombreux se trouvaient aux environs ». Deux patrouilles du 148, dont l’une commandée par le lieutenant Lucas, ont capturé des officiers allemands qui, blessés, seront conduits dans l’hospice de Coucy. Un des officiers blessés, le lieutenant von Graben du 2ème régiment des dragons de la garde, portait une carte sur laquelle figuraient les mouvements de colonnes de la 1ère armée allemande. Document transféré immédiatement à Joffre.
Coucy-le-Château, 1er septembre, fin de matinée.
Le régiment est au complet. Les hommes prennent un bref repos, « nécessaire au rétablissement de la cohésion et à la consommation d’un casse-croûte ». explique Cadoux puis se remet en route dans l’ordre suivant, le 1er, le 2ème puis le 3ème bataillons. « On marche, on traverse Coucy-le-Château, on rencontre du 205ème ri » et par la route en lacet descendant vers l’Ailette, le régiment prend la direction de Soissons.
Sources
JMO du 148ème ri
JMO de la 53ème division et de la Vème armée
Le livre de Cadoux
Cartes postales anciennes
Carte Taride au 1/100 000, avant 1914.
Memorial Genweb, lieutenant de Malherbe, photo de B. Baverel