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Pour le 148ème régiment d'infanterie
21 mars 2019

De Namur à Rocroi, la retraite du IIIème bataillon

Un itinéraire jalonné de nouvelles croix comme à Champion, Bioul, Denée, Flavion...

A Beauloye, sous la pression de l’artillerie allemande, le IIIème bataillon doit abandonner les positions durement acquises. Si les 10ème (capitaine Delorme) et 12ème  (capitaine Boitel)  compagnies rejoignent rapidement le village de Cognelée, la 9ème compagnie (lieutenant de Beaucoudray), non prévenue à temps de ce mouvement, tarde à rompre le combat et se retrouve un moment en flèche  mais « se retire en bon ordre » précise le colonel Cadoux.

Champion, Bouge, Vedrin1 les 9 et 10èmes cies à la borne 6 et - 2 leur repli - 3 repli des 11ème et 12ème cies  - 4 la ferme du Sart - 5 chaussée de Louvain - 6 quelques éléments du 148ème ri vers Bouge - 7 le village de Bouge et la présence du 45ème ri - 8 le repli vers Namur pour ceux de Bouge -9 repli vers Namur pour le gros du bataillon.

  Le commandant Bertrand regroupe ses troupes et laissant les 9ème et  10ème compagnies à la borne 6 (à hauteur de Cognelée), entame un repli avec les 11ème (capitaine Roques) et 12ème compagnies, ainsi que la section mitrailleuses commandée par le lieutenant de Jacquelot de Boisrouvray, vers la borne 4 (Champion) et la ferme du Sart. Une position occupée par le lieutenant-colonel Grumbach et ses deux bataillons/45ème ri.   « Le bataillon Bertrand ne laissant que 2 compagnies à la borne 6 me constituait avec ses 2 autres compagnies une troupe de manœuvre vers la cote 104 (S.O de la ferme du Sart) » rapporte le lieutenant-colonel Grumbach. Occupant des tranchées, le commandant Bertrand compte y bivouaquer une partie de la nuit. Un premier repos pour ses hommes qui n’ont plus dormi depuis l’avant-veille 23 heures !

Mais la canonnade reprend. La position est abandonnée sous la violence de cette nouvelle attaque de l’artillerie allemande. Ce pilonnage occasionne de nouvelles pertes parmi les hommes. La troupe s’affole. Un léger flottement rapidement réprimé.

 

watterlot aLa sépulture du sergent Paul Watterlot à Dinant.

  Léon Cottret, Emile Robillard, Isidore Vankerkhoven et  le sergent Paul Watterlot perdent la vie. Parmi les blessés:  Paul Basset, mort des suites de ses blessures à Boninne et Pierre Regnard (mort à l’hôpital de Namur).

Des disparus ?

Suite à la progression ennemie, les deux compagnies (9ème et 10ème) restées à la borne 6 se dégagent rapidement et reviennent sur Champion. Le bataillon est reconstitué. La retraite reprend en direction de Namur mais en évitant la route de Louvain trop exposée. Direction Ouest, par les campagnes de Vedrin. Le IIIème bataillon /148 ri  est accompagné de deux compagnies du 45ème ri. Mais les Allemands sont partout et harcèlent les fuyards. Les villageois assistent à de brefs engagements:  « Dimanche 23 août aux Comognes ( hameau de Vedrin) Vers 10h ½ commence la fameuse retraite des troupes franco-belges. C’est une mêlée. Par la Chaussée de Louvain et la rue d’Arquet ( une rue de Vedrin menant à Namur), soldats de toutes armes  arrivent en débandade. L’infanterie française se mêle à l’infanterie belge. On n’entend que des cris... "Vite, par ici la 8ème compagnie, par ici le 148ème, les Allemands arrivent ».

Vedrin 11 "le 23 août, commence une fusillade nourrie, les soldats du 148ème veulent entrer dans le bois du  Grandsart, ils en sortent immédiatement se trouvant en présence allemands qui avancent..." précise un autre villageois.

"les Français qui étaient encore à la maison sortent à la hâte, vont s'agenouiller au milieu de la rue et commencent le feu, les Allemands rispostent".

  Et ceux à Bouge ?

Lors de l’abandon des tranchées de la ferme du Sart, quelques éléments du 148ème ri (des soldats des 11ème et 12ème compagnies) ont suivi les éléments du IIè/45ème ri qui se sont dirigés vers Bouge sous la direction de leur chef de bataillon Jeanson ( tué à Bouge) et participeront à ces engagements. Une dizaine de morts parmi ceux du 45ème ri. Quelques soldats sont soignés par les religieuses dominicaines de l'institut des sourds et muets. 

bouge mitrailleuse

  Les notes personnelles du chanoine Schmitz, auteur avec Dom Nieuland, des 8 volumes sur l'invasion des provinces de Namur et de Luxembourg.

 Des soldats français, barricadés dans les maisons, font le coup de feu par les fenêtres mais devant la progression allemande et se sentant menacés d’encerclement, se sauvent par les jardins,   raconte un villageois.

 

Bouge 0

"des mitrailleuses du 45ème ri et des éléments du 148ème ri."

C’est la débâcle pour ces fantassins. Laissés à eux-mêmes, ils tenteront de rejoindre le régiment qui se replie vers le Sud. Vers la France. Ils s’échappent vers Namur. La présence de la Meuse les aide à se diriger.

Bouge 4

Bouge 5Le Duc Charles-Edouard de Saxe-Cobourg-Gotha commandait le 95ème IR.

 

Les deux régiments allemands qui subirent de très lourdes pertes dans le village de Bouge. Une des tombes allemandes contenait une quarantaine de corps. Le capitaine Hans Witte est parmi les victimes

 

 

 

 

Bouge en photos, l'église, le monument aux morts du village... " Hommages aux  136 héros des 45ème et 148ème régiments d'infanterie français".  La vue sur la ville depuis le parvis de l'église

Bouge 2

le monument aux morts de Bouge

 

 

 

 

 

 

Bouge 3

 

La ville de Namur vue de Bouge.

La Meuse et la Citadelle, deux repères importants pour se diriger vers la France.

Le commandant Bertrand et le gros du bataillon  se dirigent vers la citadelle

 

 

 

 

 

 

 

 

 Se diriger dans une ville inconnue... et sans carte! Il pourrait s'agir des 9ème et 10ème compagnies du 45ème ri.

Namur chemin vers Profondeville

  Venant de Bouge, ils empruntent donc la route de Dinant en  longeant la Meuse sur la rive gauche. Les populations de La Plante (banlieue de Namur)  voient défiler ces soldats, non sans leur prodiguer leur soutien. Des tartines et de la bière leur sont distribuées.  La marche reprend. Jusque Wépion pour certains, jusque Profondeville pour d’autres. La fatigue se fait de plus en plus sentir. Bon nombre de soldats s’arrêtent vers Arbre et la nuit tombant couchent le long du chemin, le restant s’échelonna  entre Arbre et Bioul. 

Le gros du bataillon

Namur et la retraiteA la ville de Namur,  B La Plante, faubourg de Namur, C Wépion première bifurcation pour certains, D Profondeville, deuxième direction pour d'autres. Une route connue par le 148ème ri.

1, 2 et 3 le repli de Champion à Namur en passant par Vedrin

Le gros du 148ème ri arrive à Namur.(A) Le commandant Bertrand prenant la direction des Trieux de Salzinnes (faubourg de Namur) (4) s’engage vers la citadelle. Un chemin emprunté l’avant-veille dans l’autre sens ! Il faut faire vite car les ponts sur la Sambre sautent.

 

Namur Salzinnes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pont de Salzinnes a sauté

Le feu de l’artillerie allemande reprend vigueur, la citadelle est sous son feu, obligeant les 10ème et 12ème compagnies à se jeter dans les fossés lors de leur progression. Arrivées au  lieu-dit le Milieu du Monde, « vers midi, les compagnies françaises sont affectées à de nouvelles tranchées que vient de faire creuser le général Michel (le gouverneur de la position de Namur) , il appuie ce point de défense par des batteries de 75 (tir rapide)  Le lieutenant- colonel Grumbach distribue le travail :(5) « je prescris au commandant Bertrand d’occuper la partie Est de la position depuis la route menant à la citadelle jusqu’aux escarpements dominant la Meuse vers Jambes. Il était environ 14h 30. » Il faut tenir. Ces batteries attirent le feu ennemi. « des shrapnells éclataient au-dessus du Bois de Marlagne » précise le lieutenant Wilmet du 13ème de ligne  qui passait par là vers 16 h 30.  Les dégâts sont importants. Le IIIème bataillon  est encore  sous le feu!

 

carte tranchéeles flèches rouges, les emplacements des tranchées, en rouge et bleu la percée allemande

escarpement coté jambes 1

 

 

 

 

 

 

 

Vue depuis les escarpements de la Ciadelle de Namur vers Jambes à droite de la Meuse

16h 30, le capitaine Boitel et ses hommes, imités par des fractions des autres compagnies, abandonnent une position devenue intenable. Les autres compagnies tiennent encore jusqu’au moment où, à 17 heures, elles reçoivent l’ordre de se replier par la ferme Notre Dame-au-Bois puis (6) vers Bois-de-Villers (7)  et les environs du fort de Saint-Héribert qui tient encore. Ils passent par Arbre (8) où ils prennent la direction de Bioul. « il n’y a pas d’autre ordre. Chacun s’oriente vers le village indiqué (Bioul) dont le nom passe de bouche en bouche. En cours de route, des essaims se forment, des groupements se constituent. On arrive à Bioul » explique Cadoux.

Romnié, BioulLa ferme de Romnié

  L'encombrement des routes vient du fait que dans le plan de retraite, les troupes devaient se retirer par la route Bois-de-Villers,  Lesve, Saint-Gérard tandis que le charrroi devait emprunter la route Bois-de-Villers, Arbre, Bioul. Mais l'avance des régiments de la Garde de la IIème armée allemande avait coupé la route initialement prévue pour la troupe. Il fallut donc partager le second itinéraire.

Romnié Bioul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapport du lieutenant Wilmet du 13ème de ligne.

Falque Victor, 13ème de ligne

"Dans la cohue, des essaims se forment" note encore  le colonel Cadoux.

« Une quinzaine de soldats français viennent de nous rejoindre » explique le soldat Victor Falque du 13ème de ligne belge qui marche vers Bioul. Lui aussi est décroché de sa compagnie. Afin d’éviter la cohue qui règne sur les routes, les 9ème, 10ème et 11ème compagnies empruntent les chemins de terre depuis Bois-de-Villers jusque Arbre et prennent la direction de Bioul par la ferme de Romnié. Mais elles retombent  bien vite dans la cohue. Le commandant Bertrand décide de bivouaquert  à 1500 m de ce village. Peu avant le  Rouchat, la ferme d’où ils sont partis dans la nuit du  21.

Le capitaine Boitel qui a précédé le mouvement y est déjà passé et s'est arrêté plus en avant.  La position de Bioul est menacée par l’avance des avant-gardes de la IIIème armée qui viennent de franchir la Meuse à Anhée et sont déjà à Warnant. Il faut en sortir avant que la position ne tombe aux mains ennemies. Ceux qui traînent, seul ou en petits groupes, arriveront trop tard et ne pourront s’échapper. Et de fait, durant la prise du village par les chasseurs saxons, on dénombre un nouveau mort  et plusieurs prisonniers parmi le 148ème ri.

 Bioul, le Rouchat, lieu du bivouac lors de la retraite. Mais également lieu de départ du groupement 148/45èmes ri vers Namur.

Bioul, le rouchat

 

 

 

 

 

 

 

Bioul, dans la nuit du  23 et 24

Boitel avec 5 officiers à la tête de 116 hommes (de sa compagnie, il n’a réuni qu' un officier et 58 hommes) quittent le bivouac  vers 4 heures. Passant par Denée, , Ermeton-sur-Biert (encore libre) et se dirige vers Flavion où il prend encore un peu de repos avant de reprendre sa course vers Rosée et Gochenée. Il rejoint le IIème bataillon et le colonel Cadoux entre Gochenée et Agimont.  De son côté,  le commandant Bertrand,  encore au Rouchat, qui vient de récupérer la section  de Cappelis venue de Rivière, ne quitte Bioul que vers 5 heures (6 heures suivant une autre source). Après son départ, quelques traînards arrivent encore au village. Des hommes retardés par la fatigue, par les embouteillages...  Ils arrivent alors que les troupes allemandes sont sur le point d'investir le village. Le passage est impossible. Ils seront prisonniers.

moraine bioulPrisonniers à Bioul  (dans l'état actuel des recherches)

Le dossier de Moraine Gaston, extrait

Moraine Gaston, né le 25 juin 1893, classe 1913, interné à Zerbst, rapatrié  le 8 janvier 1919.

 

 

Camphain Emile, né le 22 janvier 1893, classe 1913, interné à Soltau, rapatrié le 20 janvier 1919.

Codevelle Maurice, né le 1er janvier 1892, classe 1912, interné en Allemagne( !) rapatrié le 15 décembre 1918.

Dufetelle Victor, n é le 4 novembre 1892, classe 1912, interné à Soltau, rapatrié le 17 décembre 1918

Hénon Marurice, né le 1er octobre 1892, classe 1912,  interné à Soltau, rapatrié le 31 janvier 1917 (malade)

De concert avec les Belges, un groupement est constitué afin de poursuivre la marche vers la France. « deux flancs gardes seraient formés par des soldats français, plus faciles à reconnaître et au contact desquels on pourrait se heurter, une des pointes d’avant-garde serait constituée de soldats français pour la même raison » (décision prise par un capitaine français). Direction Denée.  Des troupes ennemies sont signalées approchant de Denée. Des Belges et des Français prennent position afin de protéger la colonne.  Un engagement a lieu aux limites du village causant la mort d’un  soldat du 148ème ri, un autre sera capturé.

Hatquet bioulUn mort "au combat de Bioul".

Hatquet François, 2ème classe, classe 1911 de Cambrai, disparu lors du combat de Bioul. En réalité, mort et inhumé par les villageois dans le cimetière de Denée après l’engagement contre de la cavalerie allemande.

Un prisonnier à Saint-Gérard

Burié Louis, né le 15 novembre 1891, classe 1911, pris à Saint-Gérard, le village voisin de Denée. Se serait-il replié dans la mauvaise direction ?, interné à Erfurt, rapatrié le 14 janvier 1919.

 

 

 

S'échapper à tout prix! Dans leur désarroi, quelques soldats belges et français revêtent des habits civils

Denée BioulLes villageois ramasseront les armes, cartouches, uniformes et autres équipements retrouvés le long de la route et dans les champs voisins et iront jeter tout cela dans les puits des carrières

 

 

Pendant ce temps, le reste du groupement se fraye un passage vers  Maredsous, Maredret puis Flavion.

barant voir

Flavion, encore une victime

Barant Ernest, disparu à Namur, en réalité tué à Flavion et inhumé provisoirement dans le cimetière communal

Ernest Barant s'est arrêté dans le village. Faisait-il partie du groupe du capitaine Boitel qui s'est arrêté un temps au village? Etait-il avec le groupe du commandant Bertrand de passage peu de temps après? Etait-il seul? Malheureusement pour lui, il est encore au village lorsque le IR 108, venant de Dinant, investit le village.  Il est sauvagement abattu. 

Nous lui consacrons une page particulière

 

Pour les autres, la marche a repis par Rosée et Franchimont, où Grumbach prend une autre direction. Continuant seul, le commandant Bertrand fait une halte  à 21 h à Fagnolle et reforme son détachement. Mais à Rosée, il perd encore un homme, un retardataire certainement rattrapé par les avant-gardes saxonnes.

Passefort Julien, né le 23 mars 1892, classe 1912,  prisonnier à Rosaie (ROSEE) et interné à Quedlimburg et rapatrié le 10 janvier 1919.

A cette heure, le colonel  Cadoux et son IIème bataillon  sont à Agimont. Le IIIème  bataillon ne rejoindra que le 25 août à Rocroi.

Le colonel Cadoux de nouveau s’étonnera des décisions prises par son chef de bataillon lors du combat de Beauloye:

«  Je ne veux porter aucun jugement sur ce repli car je cherche encore les raisons d’ordre tactique qui pouvaient la motiver. Ici comme à Dinant, le 15 août, au matin, je ne vois pas de commandement nettement organisé et le canon seul fait prendre les décisions ». Il oublie que l’ordre de repli ne vient pas de son chef de bataillon mais du lieutenant-colonel Grumbach. Le commandant Bertrand exécute un ordre reçu.

Bioul,Flèches blanches, l'itinéraire du IIIème bataillon se frayant un chemin entre les IIème et IIIème armées Allemandes.

Un couloir qui se rétrécit d'heure en heure et qui se fermera après la prise de Bioul (Flèches rouges) et l'engagement de Denée.

Sources:

J. Schmitz et N Nieuland, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg,

La conquête de la Meuse

Le combat de Dinant

L’Entre-Sambre-et-Meuse

La défense de la position fortifiée de Namur, p. 631 et sv.

Août 1914, Namur sur le pied de guerre, la mise en défense autour et en arrière des forts, sous la direction de J. Chainiaux et Ph. Bragard. p. 223

Pierre Charlier, carnet du soldat O. Barthélemy, 13ème de ligne, août-décembre 1914, édition du Céfal. Pages 46 et 48.

Jmo du 148ème et JMO du 45ème ri, rapport du lieutenant-colonel Grumbach

Notes personnelles du Colonel Cadoux

Archives ecclésiastique, les paroisses concernées

Archives du Comité international de la Croix-Rouge, les fiches des prisonniers

Mémoire des hommes, les fiches Mort pour la France,

Archives départementales du Nord, des Ardennes, du Pas-de-Calais.

Photos de M. Falque, photos M. Devigne et photos personnellles

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