Les patrouilles et autres embuscades
Parlant de la cavalerie allemande, le colonel Cadoux écrit :
« toutes mes unités sont en place et vont pouvoir la suivre, pas à pas, dans ses déplacements ».
Bien qu’installé en défense sur la rive gauche de la Meuse, le 148ème ri prospecte à de multiples reprises la rive droite du fleuve, un territoire laissé sous la coupe de l’envahisseur.
Quelques reconnaissances, celles qui ont donné quelques résultats. Pertes ennemies importantes.
Des reconnaissances, - leur but : observer les mouvements de l’ennemi et évaluer ses forces -des informations qui seront remontées vers la hiérarchie-, qui sillonnent les plateaux du Condroz sans rencontrer d’opposition car les découvertes allemandes disparaissent très vite dans la nature dès l’approche des Français. Toutefois, certaines patrouilles entreront quand même au contact de l’ennemi. Tournant chaque fois à l’avantage des pantalons rouges, ces brèves échauffourées –les Allemands rompent rapidement le combat- occasionnent des pertes chez l’assaillant et permettent de « faire du prisonnier { } duquel le haut commandement en tire, avec profit, des renseignements précieux ».
Bien que les rapports ne mentionnent aucune victime, deux documents semblent contredire cette affirmation. Un soldat aurait été blessé à Evrehailles et laissé aux soins de la population, un autre est considéré comme disparu.
Soldat au 148ème ri, disparu le 12 août. Pas de combat, mais des reconnaissances les 11 et 13 août! . Qui est ce soldat?
Si de nombreuses reconnaissances sont lancées, le 148ème sort également de ses lignes pour d’autres raisons. Ces « sorties des lignes » que les rapports définissent comme un "coup de main voire une embuscade", n’ont d’autre but que de repousser une faction adverse par trop menaçante.
Les reconnaissances
Au début, ces reconnaissances ne sont constituées que de quelques hommes et agissent dans un rayon très court. Joseph Degaugue, de la 5ème compagnie témoigne : « une patrouille de uhlans était signalée, je vais avec quelques hommes et un sergent en patrouille jusqu'à la frontière belge, nous avons vu juste quelques lièvres ». Le lendemain, il écrit encore : « Décidemment, toujours des Allemands. Une patrouille avec quatre hommes à la frontière belge. Nous pouvons communiquer avec les douaniers belges ». Au fil des jours, la présence ennemie se faisant sentir de plus en plus, les patrouilles prennent plus de consistance. Surtout depuis l’entrée (même partielle) du 148ème en Belgique. Ainsi, et déjà le 6 août, pendant que le gros de la 4ème compagnie s’attèle à mettre Hastière en défense, « les sections non employées seront mises en demi-repos mais partiront en reconnaissance dans un rayon de 5 km ». Un rayon d’action qui sera augmenté après le 10 août.
Généralement, les missions se sont déroulées sans anicroche et si certaines ne sont guère productives, « elle ( la reconnaissance) rentre sans avoir rien vu », le plus souvent la moisson d’informations est bonne : « un parti de plus ou moins 30 cavaliers à la ferme de Viet » ou bien « la reconnaissance envoyée par la 7ème compagnie (Dinant) nous rend compte que des cavaliers, en nombre inconnu, sont dans la vallée du Fond de Leffe », Observer mais sans intervenir. Afin d’éviter « certaines méprises », -tirs fratricides entre patrouilles- Cadoux ordonne à chaque compagnie d’avertir les autres unités d’un départ de reconnaissance ainsi que l’itinéraire qui sera suivi. De plus, toutes devront partir à la même heure, 3h! Les confrontations avec l’ennemi sont rares, « les éclaireurs allemands qui se présentent refusent le combat, de très loin, dès qu’ils sont découverts, ils se dérobent au galop vers l’Est ». Néanmoins elles existent.
Extrait du journal L'Indépendance. Au sujet du pilote de l'avion allemand, grièvement blessé il fut soigné momentanément par l'ambulance de Hastière. Ce matin? Le 17 août???
Un contact
Le 11 août, le sous-lieutenant Woiry est envoyé sur la rive droite pour: « fouiller les bois entre les Fonds de Leffe et la route de Ciney, reconnaître les fermes Malaise, le four à chaux et la carrière de marbre… ». Parti à 3 heures du matin ; il emprunte la « route de Ciney, le chemin à l’ouest de la côte 139 », passe devant le tumulus de la côte 190, arrive à la ferme Malaise, fouille le Ravin des Fonds de Leffe, le four à chaux et la carrière de marbre pour arriver à la ferme Le Chesnoy ». Jusque la côte 220 m, ferme de Chesnois, rien découvert. « A cet endroit, l’éclaireur, le soldat Clauss vient me rendre compte qu’il a entendu hennir dans la direction S/E .
Le soldat Clausse Edmond perdra la vie au combat très meurtier pour le 148ème ri. de Quennevières.
Un paysan venant de Gemechenne me signale qu’une troupe d’une trentaine de hussards est passée la veille et qu’elle s’est dirigée vers la ferme du Chesnois. Je décide aussitôt de marcher sur cette ferme. Il est 5 heures. Un brouillard opaque masque la ferme dont la direction m’est donnée par les chants du coq !. - Autant que le sol rocailleux le permet, nous avançons avec le moindre bruit (sic)- A 100 m environ de la ferme, nous essuyons quelques coups de feu. C’est le tir d’une vedette. Je fais contourner la ferme par mes flanqueurs et nous assistons alors à la fuite désordonnée des Allemands. Le feu est ouvert mais l’opacité du brouillard le rend peu efficace. 1 hussard tué, 1 blessé (ramené à l’hôpital de Dinant) prisonnier, un hussard qui faisait le mort capturé, 5 chevaux tués et ramenés, 4 harnachements, 6 lances, des carabines et de nombreuses cartouches en en chargeurs, sont chargés sur une voiture réquisitionnée à la ferme ».
Des uhlans. Afin de les discerner des lanciers belges, les soldats du 148ème ri reçurent des consignes pour les différencier. Les lanciers belges modifièrent quelque peu leur tenue.
En même temps, le lieutenant Legrand, parti également de Dinant, à 3 h, explorait un secteur parallèle (route de Neufchâteau) relate : « J’ai perçu quelques coups de feu dans la direction de la ferme du Chesnois, sachant que le sous-lieutenant Woiry devait se diriger de ce côté, par la carrière de marbre, j’ai pensé aussitôt qu’il s’y trouvait aux prises avec l’ennemi et je m’y dirigeai avec précaution pour l’appuyer en cas de besoin. Il y avait un brouillard épais. Arrivé à la crête allant vers la ferme, environ 200 m de cette ferme, j’ai entendu une fusillade de 2 minutes qui semblait dirigée de mon côté. Je n’ai essuyé aucune perte, ni rien pu voir. Continuant prudemment mon mouvement vers l’Est, je suis parvenu à la ferme que j’ai explorée. Le fermier m’apprit que l’ennemi venait de l’évacuer sous le feu d’une troupe française qui venait de se porter plus avant vers l4est. En raison du brouillard qui rendait ma mission dangereuse, je n’ai pas cru devoir m’éloigner d’avantage de Dinant où je suis revenu à 7 heures » relate l’officier. « Sans le brouillard, le lieutenant Legrand aurait certainement vu défiler devant lui les hussards allemands fuyant le Chesnoi » conclut le colonel. "Ce 11 août donc, par faute du brouillard, le lieutenant Legrand fut empêché de parachever l’engagement initié par le sous-lieutenant Woiry" conclut le colonel.
En revanche, quelques jours plus tard, à Houx-Yvoir, la « collaboration », certes involontaire, de deux découvertes sera très efficace.
Le 13 août, Anhée. Suite à des informations reçues, Cadoux demande à son chef de bataillon Vannière d’envoyer des reconnaissances. La mission consiste à confirmer ou infirmer les renseignements reçus, c’est-à-dire, la présence de cavaliers du 1er régiment de dragons, circulant vers Dorinne, Purnode et Evrehailles. Le sous-lieutenant Touche (3ème compagnie) et le lieutenant Arnaud, (4ème compagnie), chacun à la tête d’une demi-section, partent de Moulins (Anhée) et se dirigent dans la même direction (Evrehailles) , le premier par le pont d’Yvoir, le second par le pont ferroviaire de Houx. En chemin, le sous-lieutenant Touche, qui se trouvant dans les environs de Tricointe, voit défiler devant lui un groupe de 18 hussards qui « s’empressait de détaler »suite au feu nourri d’une section du 148ème présente à la gare d’Yvoir. L’officier, exploitant la situation, fait ouvrir le feu, tuant quatre hussards, un cinquième cavalier « se précipita avec son cheval dans une carrière voisine d’une profondeur de 25 m ». Un bilan considérable : cinq tués donc et cinq autres blessés et transportés au Cénacle, une institution religieuse installée à Yvoir « et deux capturés indemnes » précise le colonel Cadoux. De son côté, le lieutenant Arnaud, arrivé à Evrehailles, « découvre, fuyant éperdument vers Purnode », le reste du détachement. Il le prend en chasse et capture 8 chevaux harnachés qu’il ramène à Anhée. « Les deux demi-sections engagées par les 3ème et 4ème compagnies ne subirent aucune perte dans cette glorieuse rencontre ».
détails de la photo précédente. Le commandant Vannière et le capitaine Gautlet (+ le 23août)
Les reconnaissances, une fois rentrées dans leur base, arborent fièrement leur butin. Sur cette photo prise en août 14 entre Dinant et Anhée, on remarque également des prisonniers.
Le retour des reconnaissances avec des prisonniers sucite la curiosité des civils, voire la haine. Joseph Degaugue le note dans son carnet:"le 6 août, j'ai vu mes premiers prisonniers allemands, foule hostile, visite collective".
Prudence devient le maître mot.
Le 18 août, « les forces allemandes se concentrent sur la rive droite de la Meuse. Il est maintenant périlleux de s’aventurer sur la rive droite pour y recueillir des informations. C’est interdit » précise Cadoux dans ses notes. Et de réitérer ses ordres, « Le fleuve ne sera plus franchi par les reconnaissances à moins qu’elles n’aient l’occasion de tenter un coup de main en toute sécurité». Malgré cette interdiction, le 19 août, le lieutenant Munarot, de la 5ème compagnie, avec un sous-officier, 2 caporaux et 24 hommes, quitte Rouillon, à 15h 45, pour explorer la rive droite. Aucune présence ennemie n'est décelée. Joseph Degaugues, 5ème compagnie, y participe et écrit dans son carnet:
" le 19 août, patrouille la nuit et le jour, de GHun ou de Rouillon"
Les sorties de lignes dites « coups de main ou embuscades »
Le 7août, l’adjudant Javoy, 2ème compagnie, sort de Dinant avec quelques hommes pour aller à la rencontre d’une douzaine de cavaliers qui s’approchent de la ville. Il les intercepte alors qu’ils sont dans les faubourgs et « son feu de mousqueterie les met en fuite ». Un cavalier blessé est emmené par ses camarades. En ce qui concerne les embuscades, le 14 août, l’adjudant Robert est prévenu de l’approche d’un parti de cavaliers. Avec 6 de ses hommes, il va se poster en avant de ses lignes et attend le passage du détachement allemand. Il ouvre le feu et tue plusieurs cavaliers dont un officier. Il en blesse deux autres et en capture un dernier.
Mais dans ce domaine, le lieutenant de Beaucoudray excelle.
Le 11 août, un détachement de 17 uhlans est signalé s’avançant vers Celles . le capitaine Roques, de la 11ème compagnie, convoque le lieutenant de Beaucoudray (pourtant de la 9ème cie) et lui propose d ’aller tendre une embuscade. « je fais remarquer que ma section est très fatiguée suite à une mission la veille sur le village de Dréhance» répond ce dernier. Mais, il accepte néanmoins et constitue un détachement de 23 hommes de bonne volonté, des volontaires des 9ème et 11ème cies. « Tout mon monde est embarqué dans le train partant d’Anseremme à midi. A notre arrivée à Gendron, 2 uhlans postés en vedette nous aperçoivent et partent au galop. Nous descendons vivement du train et nous nous lançons à leur poursuite. Au bout de quelques centaines de mètres, nous découvrons une vingtaine de uhlans dissimulés dans un chemin creux et ouvrant le feu sur nous. Nous ripostons.,Mes hommes essoufflés tirent mal, néanmoins deux hussards tombent. Je me précipite en avant avec quelques hommes pour atteindre les autres. C’est alors que tous sautent à cheval et défilent, à plein galop, à 50 mètres de nous déchargeant leur révolver dans notre direction (et) disparaissent dans les bois. Je reprends mes hommes en mains et je m’installe en position d’attente à la station de Gendron-Celles ». Quelques cavaliers rescapés lui sont signalés se sauvant à pied dans les bois, « je pars immédiatement à leur poursuite avec 5 hommes laissant le commandement de mon groupe à mon sous-officier mais me rendant compte que je ne pourrais rejoindre les fuyards, j’arrête ma poursuite. Je téléphone succinctement mes résultats de ma reconnaissance au capitaine Roques qui m’enjoint de rentrer à Anseremme ».Bilan : 2 cavaliers tués, et du butin, des chevaux, des lances, des sabres, des carabines et des chevaux tués, blessés et capturés.
Des bilans toujours importants
et bon pour le moral des hommes
L’engagement le plus important est cependant à mettre au crédit du lieutenant Arnaud et de ses 2 sous-officiers, 4 caporaux et 48 hommes Parti, le 11 août, en matinée (départ retardé suite au brouillard trop dense) en reconnaissance vers Evrehailles, il apprend fortuitement la présence d’un fort parti de cavalerie allemand estimé à 150 hommes, dans la ferme de Jassogne, près de Crupet. « Il était de mon devoir de pousser jusque la ferme pour contrôler ce renseignement. A peine arrivé, je découvre quelques vedettes couvrant la ferme. Il est 11 h 30, je décide aussitôt l’attaque de Jassogne par l’Ouest…
Cette première action sera complétée par l'intervention d'une reconnaissance belge.
Le 19 août, de nouveau, une patrouille outrepasse la consigne. le sous-lieutenant Courty, 1ère compagnie, passant par le pont de Lustin, donne la chasse a un peloton de cavaliers allemands venant de Mont. Le feu de sa section a tué 6 chevaux Se lançant à la poursuite des fuyards qu’il pourchasse jusque Mont, il ne peut obtenir d’autres résultats mais il apprend du bourgmestre qu’un officier lui avait mis un revolver sous le nez en vociférant que le bourg allait brûlé dans la nuit . Les habitants affolés demandent à la troupe de les protéger.
Le curé de Rivière, le village où cantonne la 1ère compagnie, relate certains faits. " Ils circulaient comme je l'ai dit, allant tuer un uhlan ou deux, ou un cheval. Ils passaient l'eau à 50 ou 60 et allaient à la chasse aux uhlans. Ils revenaient avec un trophée, casque lance etc..."
L'engagement de Mont relaté dans le JMO du régiment et par le curé du village.
Tableau des différentes présences sur la rive droite de la Meuse du 6 au 21 août
Le 6 : reconnaissances depuis Anseremmes, Hastière, Waulsort par la 1ère cie venant àpeine d'entrer en Belgique.
Le7 :
- l'adjudant Javoy et des hommes de la 2èmecien se portent à la rencontre d’une douzaine de cavaliers. Il les met en fuite après un échange de coups de feu.
- Reconnaissance vers Mesnil Saint-Blaise, rien vu.
- Le sous Lieutenant Courty, 1ère cie, parti d’Yvoir sur Evrehailles, un cavalier capturé un cheval et plusieurs lances.
- une section de la 9ème cie en reconnaissance sur Chooz, « fait évanouir les cavaliers allemands qui disparaissent aussitôt découverts ».
Le 10 :
Des éclaireurs montés (Cadoux dispose d’une douzaine de cavaliers dans son régiment, curieusement il ne les cite qu’une fois)! partis en direction de Sorinnes, signalent la présence de cavaliers allemends
- reconnaissance partie de Annevoie Rouillon vers Godinne , rien découvert.
- Lieutenant Legrand, 6ème cie, parti de Dinant vers Gemechenne et Herbuchenne rentre et confirme la présence de cavalerie allemande.
- un coup de main sur Dréhance par le lieutenant Ganne de Beaucoudray
Le 11 :
D’Anseremme, 9ème et 11ème cies, de Dinant, les 6ème et 7ème cies,
De Bouvignes, les 5ème et 8 ème cies,
D’Anhée, la 4ème cie
Envoient de sections sur la rive droite. Même heure de départ et itinéraires communiqués.
Quelques retours
voir le rapport des lieutenants Woiry et Legrand
voir le rapport du lieutenant Arnaud
voir l’embuscade du lieutenant de Beaucoudray à Gendron-Celles
Le 13
Nombreuses reconnaissances lancées à partir de tous les points de passage,
Purnode, Loyers, Lissogne, Thynes….Des partis de uhlans sont signalés un peu partout, plusieurs échauffourées tournent à l’avantage du 148ème. Beaucoup de pertes en hommes parmi l’es uhlans (tués, blessés et prisonniers,) mais également en chevaux et armement.
voir les rapports des lieutenants Touche et Arnaud
Le 14 :
Une reconnaissance menée par le lieutenant de Beaucoudray « toujours debout toujours prêt" dit son capitaine
- une autre de la même cie avec le sergent Waterlot et 10 hommes
- L’adjudant Robert tend une embuscade devant ses lignes
Le 18
Malgré l’interdiction de traverser le fleuve
Reconnaissance de la 1ère cie vers Lustin, rien à signaler.
Le lieutenant Munarot, 3ème cie, part de Annevoie Rouillon et explore la rive droite en restant toutefois en bordure de Meuse, rien sauf "la tête de la reconnaissance qui a exécuté un feu de mousqueterie sur un groupe de cavaliers".
Le prisonnier Budde Karl, envoyé en captivité: direction Nantes
Sources:
Les notes du colonel Cadoux
J. Schmitz et N Nieuland, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg,
La conquête de la Meuse
Le combat de Dinant
L’Entre-Sambre-et-Meuse
Archives de l'Ev. paroisses concernées
Photo du prisonnier, Gallica
Archives de la Croix-Rouge (fiche prisonnier)
La seconde attaque de la ferme Jassogne par les cyclistes du 1er chasseurs à pied de forteresse dans La défense de la position fortifiée de Namur, en date du 11 août.
Mémoire des Hommes
Album de photos en 1912