Du 6 au 9 août, le glissement vers le nord
Le 7 août 1914
Situation au 6 août 1914, le Ier bn en Belgique tandis que les IIème et IIIème bn sont encore en France.
Déjà un premier glissement vers le Nord ! Ordre du général Lanrezac : « Occuper tous les ponts de la Meuse au Nord de Dinant ». (De Dinant à Lustin).
Les II et IIIè bataillons étant encore en territoire français, Cadoux n’est pas en mesure d’assurer, dans l’immédiat, cette mission, du moins dans son intégralité. Etant donc dans l’impossibilité d’aller jusque Dave, (en réalité Lustin, à proximité de la position fortifiée de Namur) « ni même de s’en approcher à faible distance » il adapte son dispositif en échelonnant sa progression. Déjà des reconnaissances allemandes sont signalées sur les hauteurs de Dinant. Cadoux réplique en lançant des sections à la rencontre de ces « visiteurs indésirables ». A chaque confrontation, des ennemis sont mis hors de combat, blessés ou tués, d’autres sont capturés et du butin est ramené dans les lignes. Aucune perte n’est à signaler au 148ème RI.
Conformément aux ordres de Lanrezac, Cadoux ordonne au commandant Vannière d’envoyer sa 1ère compagnie, appuyée par la section mitrailleuses, aux ponts de Houx et Yvoir. Il prélève une demi-section dans la 2ème cie (défendant le pont de Dinant) qui, sous le commandement d’un officier, prend position à Bouvignes. Dans le reste du dispositif, rien ne bouge. Les différentes unités de cyclistes belges, dès l’arrivée des fantassins français, quittent leur emplacement et se replient vers Namur.
Le lieutenant Thanneur sera mis à la disposition du général belge Michel qui commande la position fortifiée de Namur. Il assurera la liaison entre la position fortifiée de Namur et le 148ème ri.
Lieutenant Thanneur et sa désignation comme officier de liaison entre les Belges et le 148ème ri.
En rouge, à g. le pont d'Yvoir, au centre le pont ferroviaire de Houx, à droite, l'écluse de Houx. l'écluse d'Yvoir est hors carte, à g. du pont d'Yvoir. En bleu, positions du 148ème ri.
Vannière prend position aux ponts d’Yvoir et de Houx, des villages établis sur la rive droite du fleuve. Les ponts et les barrages seront défendus depuis des emplacements situés sur le territoire d’ Anhée, sur la rive gauche de la Meuse. Les deux villages, Houx et Yvoir ne seront occupés qu’épisodiquement (et uniquement en journée) par l’une ou l’autre section ou bien seront traversés par des patrouilles montant sur le plateau mosan. Au grand dam du curé d’Yvoir qui se plaint de la non présence constante des Français.
Le village de Houx au pied de la falaise et le pont ferroviaire. Le village et l'île et le barrage-écluse. En bleu, les positions du 148ème ri.
Le pont d'Yvoir et les positions du 148ème ri (en bleu), l'écluse d'Yvoir
« Faute d’ordres précis à moi donnés »,
Prenant ses responsabilités, Cadoux donne ordre au commandant Bertrand (IIIème Bn), toujours à Vireux, de rejoindre au plus tôt. Du moins, dès que la relève (initialement du 33ème Ri) sera arrivée. Une relève qui tarde entravant le plan de bataille du colonel Cadoux.
Un front de 49 km pour un seul régiment ! Devant l’ampleur de la tâche, Cadoux est conscient que cela « se fera au détriment de la consistance et de la résistance de ce long cordons de fantassins préposés sans répit, avec leurs seuls moyens, à la garde des ponts et barrages » ! Toutefois, cette couverture bien que fragile, « fera, écrit le colonel, bonne contenance et bonne besogne ».
1 et 2, axes d'approche des reconnaissances allemandes. Nous les détaillerons dans la page "patrouilles".
D’autant plus que les informations inquiétantes affluent à l’EM régimentaire, de nombreuses patrouilles de découverte ennemies se présentent devant les lignes tenues par le 148ème. « à portée de nos fusils » ! Les plateaux mosans de la rive droite sont infestés de uhlans à la recherche d’informations sur les positions françaises. « Il importe de redoubler de vigilance et les plus minutieuses précautions seront prises dans les lieux occupés par le régiment ». Les premières escarmouches ont lieu et malgré la lourdeur du travail, « nuit et jour, les soldats s’évertueront à aller à la recherche de l’ennemi, plusieurs fois par jour ». Ramenant des prisonniers dont on tirera « des renseignements précieux et de grandes importance».
Les prisonniers sont fouillés et interrogés. Etonnement de Cadoux qui interroge en premier lieu ces soldats allemands, au point de s'en ouvrir dans son carnet de notes.... Des préservatifs!
Le 8 août
Extrait du JMO, "une seule compagnie", celle du capitaine Boitel.
Bonne nouvelle pour le 148ème. La garde des ponts entre Maizières et la frontière belge sera assurée par des éléments du 1er corps d’armée. Dès lors, récupérant ses IIème et IIIème bataillons, Cadoux peut redistribuer ses troupes, la compagnie du capitaine Boitel sera la dernière à être dégagée du pont de Fumay. Les IIè et IIIè bn se rassemblent à Givet dans l'attente de leurs nouvelles affectations. Un départ vers la Belgique prévu pour le lendemain, le 9 août! Les mouvements se feront par trains pour la troupe et par voie de terre pour les convois (les trains régimentaires, alimentation, bagages, munitions et services de santé).
Les ordres de marche
Le 3ème bn du commandant Bertrand occupera la rive gauche mosane depuis la frontière jusqu’Anseremme inclus
Aux ponts, barrages-écluses et villages d’Hastière, Waulsort et Hermeton-sur-Meuse, les 10 et 12èmes compagnies avec le chef de bataillon et la section mitrailleuses, tandis que les 9 et 11èmes compagnies seront au pont et village d’Anseremme.
Rouge, Hermetons/Meuse, le barrage-écluse, Hastière, le pont et Waulsort, le barrage-écluse. Blanc, les positions du 148ème ri.
La 4ème cie, libérée de ce poste d'Hastière, peut rejoindre le Ier bn.
Anseremme, les 9ème et 11ème compagnies s'installement des deux côtés du fleuve. le pont ferroviaire ainsi que l'écluse sont mis en défense. Le pont est convoité (les événements futurs le démontereront) par l'ennemi. Il permettrait l'acheminement de troupes et de matériel vers l'Entre-Sambre-et-Meuse...
Ce sera le premier objectif visé dès le 14 août par les Allemands.
Bleu, positions du 148ème ri, Rouge, les points stratégiques
Le IIéme bn du commandant Graussaud, il se chargera de la ville de Dinant et de son faubourg de Bouvignes
Rouge les points stratégiques, bleu, les positions du 148ème ri.
2ème bataillon, le pont et bourg de Dinant par les 6ème et 7ème compagnies et le chef de bataillon et la section mitrailleuses tandis que les 5ème et 8ème compagnies s’installeront à Bouvignes, pont et écluse.
Le Ier bn, celui le plus en flèche, accentuera plus encore sa poussée vers le Nord.
Des glissements entre compagnies ont lieu au fur et à mesure de la progression (vers Lustin -Dave, limites de la position fortifiée de Namur)
- La 4ème compagnie à Anhée et au pont de Houx
Les 2ème et 3ème compagnies avec le chef de bataillon et la section mitrailleuses à Yvoir, village et pont,
Le pont d'Annevoie-Rouillon, appelé aussi le pont de Godinne.
La 1ère compagnie au village d’Annevoie-Rouillon , pont et village.
Le pont et le barrage écluse de Rivière et l’écluse de Lustin sont toujours aux mains des Belges.
Le 148ème Ri sera donc, à partir du 9 août, dans son entièreté, en défense de la Meuse belge et son état-major (flanqué de la compagnie hors rang) s’installera à Dinant.
Le 9 août
Un premier train quitte la gare de Givet à 11 heures avec les 11, 6 et 7èmes compagnies ainsi que l’Em et la section mit du 2ème bn. (En cours de trajet, la 4ème cie déjà installée à Hastière sera reprise et rejoindra le 1er bataillon). Un second train quittera la gare de Givet vers 12 h 30 (il ne partira qu’à 14 heures en emmenant les 9, 5 et 8èmes compagnies, la compagnie hors rang et l’EM régimentaire.
Les déplacements en trains au départ de la gare de Givet... parfois avec quelques soucis!
14 ou 16 heures?
Le JMO et les notes du colonel Cadoux divergent sur ce point.
Outre qu'il soit l'officier d'état-civil du régiment, Charles Nicolas LUX, sous-lieutenant de réserve au 148ème ri, avait la charge de commander le convoi du train. Le 23 août, lors de la retraite...
Le charroi (nourriture, bagages, munitions, services de santé) se rassemble sur l’esplanade de Givet sous le commandement du sous-lieutenant Lux. Le convoi attend l’ordre de rejoindre par la route. Une douzaine d'heures pour relier Givet à Dinant!
Cadoux installe son PC au Grand hôtel de la Poste de Dinant.
L'hôtel de la Poste et les raisons de ce choix pour l'installation du P.C.
Un accueil particulier est réservé par l’administration communale de Dinant. Vin, discours et mondanités ! Mais « les officiers reprennent vite leur habit de guerre » note Cadoux. Etant donné l’insécurité, la circulation des trains est suspendue en aval de Dinant. Des mouvements importants de cavalerie allemande sont de nouveau signalés.
L'accueil du régiment par les autorités communales de Dinant.
Le 9 août au soir, toutes les unités étaient en place et la situation se présentait de la sorte:
Selon les notes du colonel
Selon le JMO du régiment
Et dans les villages?
Dans les villages investis, l’accueil est toujours aussi enthousiaste. Toutefois, et de nouveau, des confusions dans les dates quant à l'arrivée des pantalons rouges!
Anhée
Ce témoin est précis et situe l'arrivée des compagnies le 9 août,
En revanche... ce témoin est moins précis. Selon son récit, il parlerait du jeudi 6 août! (le 6, le bataillon Vannières vient à peine d'entrer en Belgique et ne sera à Dinant qu'en soirée!). Ce manque de rigueur est étonnant vu que ce témoin n'est autre que Norbert Nieuland, l'un des auteurs de "Documents pour servir à l'histoire de l'invasion allemande dans les provinces de Namur et Luxembourg.
et le curé de Anhée...manque également de précision mais son rapport est rédigé en 1919! Cinq années après les faits!
Yvoir
"C'est vers le 10 août" estime le curé de la paroisse... Mais il précise qu'Yvoir n'a pas de présence française.
Pour un autre, ce serait le 6 août! Les troupes sont arrivées par le train de Dinant pour débarquer à Yvoir et ont traversé le pont pour se rendre à Anhée.
Le 6 août, le premier blessé ....
Defosse Charles, 2ème compagnie, de la classe 1912. Il ne rentrera au régiment que le 12 septembre 1914. Il sera de nouveau blessé le 17 septembre...
Sources
Archives des paroisses concernées: Anhée, Houx, Yvoir
J. Schmitz et Norbert Neuland: Documents pour servir à l'histoire... op. cit. Quatrième partie, La conquète de la Meuse
JMO du 148ème ri sur Mémoire des Hommes,
Les notes du Colonel Cadoux
Cartes postales anciennes
Carnets de notes de Joseph Degaugue, AR Sarthes, 1j 461/2
extraits de (pour les cartes partielles)
Archives Vincennes, registre d'état civil du 148ème ri.